ANALYSE FINANCIERE  © John Petroff Traduction: Françoise BRUNELLE, Berengere Cortade Source: PEOI

 


Chapitre 9 A- Importance

A - Importance de l'analyse des ventes

L'analyse du chiffre d’affaires est de loin la partie la plus importante de l'analyse financière, indépendamment du but de cette analyse. Pour un banquier, la marge brute d'autofinancement qui permettra de rembourser un prêt provient des recettes de ventes, et non des immobilisations ou autre poste du bilan. Encaisses et débiteurs sont importants, mais leurs niveaux futurs ne sont jamais garantis; seule une anticipation des ventes peut les déterminer. Correctement estimer ces ventes est donc crucial. Pour les investisseurs, les prêteurs à long terme ou les dirigeants d’entreprise, les ventes sont l’unique source de prospérité sur le long terme.

Paradoxalement, le niveau des ventes est également le poste budgétaire le plus difficile à prévoir en raison de sa dépendance vis-à-vis de l’environnement commercial. Une poursuite des ventes peut être menacée par plusieurs facteurs externes :
- stratégies des concurrents directs,
- nouveaux produits émergeant sur d'autres marchés,
- clients mécontents aux styles de vie changeants,
- nouvelles législations,
- ruptures de production,
- pouvoir d'achat insuffisant dû à une récession économique,
et internes :
- production ou stock insuffisant,
- prix excessif,
- réseaux de distribution inadaptés,
- faible effort d’information du consommateur (comme une campagne publicitaire bâclée),
- non prise en compte des préférences des consommateurs,
- conception ou emballage défectueux.

Le niveau futur des ventes, même pour des produits basiques, est toujours incertain. Qui plus est, maintenir le niveau des ventes n’est généralement pas suffisant. ‘Celui qui ne bouge pas voit passer le monde devant ses yeux et perdra pied face aux aggresseurs.’ Dans les sections suivantes, le thème récurrent portera sur la façon dont les entreprises peuvent et doivent essayer d'augmenter leurs ventes et leur part de marché. Augmenter ses ventes, bien qu’essentiel pour la survie des entreprises, est une opération plus délicate et risquée que de simplement garder sa clientèle existante. Il va sans dire que l'introduction de nouveaux produits est une opération encore plus difficile.

En analyse financière russe traditionnelle, on prête peu d'attention aux ventes. Comme précédemment décrit, l'analyse est principalement orientée vers le bilan ; la rentabilité est étudiée en terme d’efficacité. Les ventes sont considérées comme allant de soi. Si nous regardons les épiceries de quartiers de Moscou où la pénurie de biens de consommation est courante, même en 2000, il apparait évident que c’est l’offre, et non la demande, qui détermine le niveau des ventes. Cette réalité est une triste conséquence de l'histoire. Dans le monde occidental, c’est la demande qui détermine le niveau des ventes, et il est à prévoir que cela deviendra également le cas en Russie.

Dans un sens philosophique, aussi bien que pratique, les entreprises commerciales ont pour but de servir la société en fournissant aux consommateurs les produits qu’ils désirent. La “main invisible” d'Adam Smith assure la prospérité aux entreprises qui servent bien leurs clients, et la faillite aux autres. Mais les produits doivent être en premier lieu physiquement disponibles à la vente sur les rayons d'un magasin et dans le stock de produits finis d'un fabricant. Pour une entreprise dont le but est de distribuer des produits, ne pas offrir ces produits est une telle faute capitale, en terme commercial, qu'elle mérite la faillite. Dowd, directeur d’une importante chaîne de grands magasins, filiale d’Allied Stores aux Etats-Unis, avait l’habitude de dire à ses stagiaires en management que si un supermarché venait à manquer de dentifrice ou de beurre un samedi matin, il ferait aussi bien de fermer. En effet, de tels articles, valant à peine plus d’un dollar, sont des produits de base pour les consommateurs qui viennent faire leurs courses hebdomadaires et dépenser $50, $100 ou plus. Ce n’est pas un dollar, mais une centaine de dollars que le magasin perd en étant à court de dentifrice. La prochaine fois, ce consommateur, comme beaucoup d’autres, ira faire ses courses à un autre supermarché qui, lui, n’est pas à court de dentifrice.

Rater des ventes est impardonnable. Les occasions de “récupérer” un consommateur sont rares et coûteuses. L'analyste financier doit établir que l'entreprise observe un niveau adéquat de conservatisme dans l'approche de son marché : elle doit avoir développé une stratégie défensive visant à maintenir son niveau de clientèle et sa part de marché. La façon dont cette stratégie conservatrice se traduit en pratique diffère d’un secteur à l'autre. Pour l’essentiel, une telle stratégie est basée sur la connaissance approfondie du client typique de l'entreprise et de la façon de le satisfaire afin qu’il revienne régulièrement acheter les produits de l’entreprise.

La fidélité à une marque et les préférences des consommateurs sont stables en Russie, comme dans la plupart des pays. L'exemple de Stimorol vient à l'esprit : Stimorol détient la plus grosse part du marché du chewing-gum en Russie, au détriment de Wriggley et autres marques mondiales, simplement parce qu’elle était la première sur le marché. (Wriggley était la première en Pologne et y détient la plus grosse part de marché.) En dépit des sceptiques russes, le directeur de Stimorol affirme que la publicité marche en Russie aussi bien que partout ailleurs. Réseaux de distribution bien développés et publicité sont les clés du succès de Stimorol.

Une stratégie de ventes purement conservatrice n’est jamais suffisante. Pour relever des défis futurs, une entreprise doit constamment chercher à mieux servir ses clients. L'innovation est essentielle sur tous les marchés. Tandis que maintenir sa clientèle est le premier impératif commercial, innover est le deuxième credo des entreprises commerciales. L’analyste financier doit étudier le business plan ou le rapport annuel de l’entreprise en gardant constamment un oeil sur les efforts pour améliorer la satisfaction du consommateur : meilleur emballage, formation et formation permanente du personnel commercial, points de ventes plus commodes, slogans publicitaires plus convaincants et prix de vente plus abordables. Parfois, augmenter sa part de marché tient à peu de choses. Une vieille chaîne de supermarchés du nord de l’état de New-York, Price Chopper, perdait sa clientèle dans la fin des années 80. Un nouveau propriétaire allemand apporta des fonds pour réaménager chaque magasin avec des rayons neufs et des fleurs; suite à quoi la chaîne devint rapidement le leader en termes de prix et produits dans la région.

Il est cependant évident que les efforts et dépenses consacrés à la modernisation, à l'expansion, à l'innovation et à l'introduction de nouveaux produits ne sont pas toujours fructueux. La méthode pour mesurer et rationaliser ce genre de décisions commerciales sera abordée dans le prochain chapitre, car elle est habituellement considérée comme un élément des choix d’investissements à long terme, alors que ce présent chapitre est consacré à une analyse dans le contexte du cycle courant de fonctionnement. Mais, même dans ce contexte, il doit y avoir un mélange subtil de deux attitudes de gestion quelque peu opposées : préserver un marché et rechercher de nouvelles opportunités.

On se souvient que l’évaluation des entreprises est souvent liée à ses ventes, comme dans la méthode du multiplicateur des ventes, dans le modèle du 'discounted dividend' ou encore dans les méthodes du P/E ratio ('price to earnings ratio' calculé en divisant le prix de l'action par le résultat net), où la croissance des ventes est intégrée dans la formule. Prévoir les ventes ou la croissance des ventes est au coeur d'une grande part du travail analytique. Ça n’est pas uniquement un exercice numérique, comme peut le suggérer le commentaire précédent, mais plutôt une évaluation des décisions et attitudes de gestion.

Les sections suivantes traitent des ventes du point de vue de différents analystes. Pour quelqu'un d'étranger à l'entreprise, il est nécessaire d’éclaircir ce que sont les position et stratégie actuelles de celle-ci. En raison de l’importance des recettes des ventes comme base des décisions de gestion et évaluation d’une entreprise, toute apparente manipulation des chiffres doit faire l'objet d'une investigation. Il s'agit ensuite de déterminer si la stratégie de l'entreprise est la bonne. Cette seconde phase de l’analyse financière comporte deux directions : l’une dirigée vers l’extérieur, vers le marché, les consommateurs et les concurrents et l’autre vers l’intérieur, vers les coûts et leurs facteurs déterminants.

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