ANALYSE FINANCIERE | © John Petroff Traduction: Françoise BRUNELLE Source: PEOI |
H - Fusion et politique d'acquisition
Les fusions de sociétés existent car les deux sociétés voient leur valeur augmenter du fait de cette opération. On peut noter quen principe, selon la théorie du portefeuille, la fusion ajoute peu aux actionnaires si elle est réalisée strictement dans le but dune diversification ou dune expansion des ventes, car les actionnaires peuvent obtenir une diversification ou des augmentations de bénéfices en achetant des actions des deux sociétés avant fusion. La combinaison des deux doit entraîner des économies de coûts ou générer des opportunités de revenus additionnels. Cela peut venir par exemple en intégrant des nouvelles technologies, en étant capable de fournir les mêmes clients simultanément ou en réalisant des économies déchelle dans la production.
Dun point de vue comptable, aux Etats-Unis, une vraie fusion est considérée comme la mise en commun dintérêts, ce qui implique deux sociétés de taille comparable et dans laquelle les actionnaires des deux sociétés sont traités de la même façon. Dans tous les autres cas, il y a acquisition dune société par une autre. En général on a pu observer que le marché pénalise la société acheteuse, car il perçoit lacquisition comme un risque de plus et aussi parce que lacheteur doit payer aux actionnaires une prime pour acquérir leurs actions. En sens inverse, la société achetée est vue de façon positive et ses actions montent, car lachat de la société montre qu'elle possède plus de valeur que les cours sur le marché ne le laissaient paraître et aussi parce que les actionnaires recevront très probablement une prime. (Ce phénomène de gonflement du cours de la société qui doit être achetée peut être observé chaque fois quune offre publique dachat est rejetée car les cours de la société qui devait être achetée chutent immédiatement.)
La valeur de la société achetée est essentiellement sa valeur patrimoniale ( comme on le verra dans la dernière section). Mais ce qui est intéréssant dans cette section est de voir ce qui se passe lorsque la société acheteuse ne possède pas encore la société achetée et qu'elle a encore dautres alternatives et opportunités. Le processus danalyse financière doit prendre ces opportunités en considération Il y a en fait toute une stratégie qui est mise en ouvre dans ce type dopérations .
La stratégie de la société acheteuse peut
inclure les phases suivantes :
- une phase de préacquisition où un acquéreur
doit s'évaluer lui même et identifier les occasions externes qui
justifient le besoin d'acquisition,
- une sélection des candidats dans laquelle lacquéreur envisage différentes
possibilités et notamment celle de créer sa propre filiale de toutes pièces, et
le choix dune banque pour mettre en place lacquisition ,
- une évaluation de la meilleure possibilité incluant la nécessité de payer
une prime, lidentification des synergies et la possibilité de vendre certains
actifs ,
- une négociation prenant en compte les parties tierces, dautres acquisitions
possibles et la possibilité de refus de la société achetée, ainsi que le fait
que tout n'est pas forcément connu dans cette dernière.
- La préparation de la stratégie post acquisition pour intégrer la nouvelle
société dans le groupe .
La valeur de la société achetée est normalement constituée par les cash flows nets actualisés. Les cash flows (et pas les bénéfices comme dans le cas des actionnaires externes) sont actualisés et additionnés car la compagnie acheteuse aura à sa disposition le réinvestissement additionnel potentiel provenant des investissements de la compagnie achetée. Le taux dactualisation utilisé nest pas non plus le return aux actionnaires mais le coût moyen du capital de la compagnie achetée car cest le taux de return correspondant à ce secteur et à cette équipe de direction. Pour chaque compagnie qui peut être potentiellement achetée, le taux dactualisation reflète la situation particulière de la compagnie et du secteur.
La méthode des cash flows actualisés nécessite des projections méticuleuses des taux de croissance des ventes dans la nouvelle structure. Des corrections additionnelles doivent être réalisées pour tenir compte de la position concurrentielle de la nouvelle structure dans son secteur. En général une prime par rapport à la valeur des actifs est attribuée correspondant à 1) la clientèle de la compagnie achetée, ainsi quaux 2) autres actifs intangibles ( comme le know how technologique ou managérial quelque fois appelé capital humain). La connaissance des ces deux éléments est souvent présentée comme la justification de la prime par rapport au prix payé par le marché aux actionnaires actuels de la compagnie achetée par la compagnie acheteuse.
Dans certains cas la compagnie est achetée parce que la valeur de certains de ses actifs est sous estimée. Cela peut être le cas lorsque certaines matières premières rares restent inutilisées, ou dans les cas de réserves minières ou de moins values fiscales potentielles ou dimportantes liquidités dormantes. La compagnie acheteuse peut générer ses cash flows en se débarrassant de certains de ces actifs tout en utilisant ceux qu'elle pense rentables. Des fermetures dusines ne sont pas rares en cas de fusion. La valeur de liquidation de ces actifs est alors rentrée dans les calculs de cash flows éventuellement ajustés des coûts de vente ou de fermeture. Lorsque les équipements de la compagnie achetée peuvent être utilisés en remplacement de ceux de la compagnie acheteuse, alors la valeur de remplacement de ces actifs doit être utilisée dans les calculs, mais pas les cash flows quils peuvent générer car ils existeraient même sans la fusion.
Après prise en compte de ces différents éléments, le cash flow actualisé ajusté est corrigé des dettes de la compagnie achetée. La valeur nette est alors ajustée à la baisse pour manque de liquidité s'il sagit dune petite compagnie dont les actions ne sont pas facilement négociables sur un marché. Cet ajustement peut être de 5 ou 10 % pour une société dont la capitalisation totale dépasse $ 20 millions, 33% si elle est comprise entre $1 et $5 millions et 40% ou plus s'il s agit dune société plus petite bien contrôlée.
Beaucoup de sociétés qui dominent leur secteur ont atteint cette position grâce à des acquisitions ( en témoigne lévolution de lindustrie automobile utilisée comme exemple dans les sections B-2 et suivantes du chapitre 14 ). Cependant la mauvaise évaluation des sociétés achetées est courante et parfois spectaculaire. Par exemple lacquisition de Rover par BMW aurait entraîné un paiement excessif de $4.5 milliards selon The Economist de 2001. Une erreur d'évaluation des cah flows futurs aurait été causée par une sous-estimation des pertes de position sur le marché de Rover et par une mauvaise stratégie post acquisition par BMW Une autre acquisition ratée rapportée dans le même numéro de The Economist est celle de Chrysler par Mercedes. La leçon à tirer de ces exemples est celle de limportance et des difficultés de lanalyse financière dans les acquisitions potentielles. |
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