ANALYSE FINANCIERE  © John Petroff Traduction: Françoise BRUNELLE Source: PEOI

 


Chapitre 4 B- Crédits bancaires

B- Crédits bancaires

Les banques sont expertes en matière d’analyse de la situation financière des emprunteurs potentiels. L’importance de l’analyse dépend de la taille et du type de prêt ( ligne de crédit renouvelable, prêts saisonniers garantis par des stocks ou des créances, ou prêts à terme avec des garanties sur les actifs), et de la connaissance qu’a déjà ou non la banque de l’emprunteur. Naturellement le type de prêt que la banque est prête à offrir est au cœur de sa stratégie et cela détermine les paramètres des conditions des différents prêts ainsi qu’on l’a vu dans la section C du chapitre 3. Il y a quatre étapes dans l’analyse financière d’une banque : au moment de la demande initiale, au moment de l’approbation par le comité de crédit, par le département de contrôle des crédits et durant le suivi du prêt. Pour un exposé approfondi il faut consulter le manuel d’une banque commerciale. Ce qui va suivre est un résumé des étapes essentielles de l’analyse d’un prêt à court terme dans une banque américaine typique

1) - Demande initiale d’un prêt bancaire, interview et négociation avec le responsable des prêts

Le responsable d’une agence bancaire locale qui reçoit une demande initiale d’un emprunteur potentiel doit mener une analyse complète de ce client. La première étape consiste à savoir si le type de prêt que ce client réclame est offert par la banque (c’est à dire s'il fait partie de sa stratégie). Le responsable refusera la demande si i) l’information fournie est insuffisante, ii) la banque n’offre pas ce type de financement, iii) ou s'il y a doute quant à la capacité de l’emprunteur à rembourser le prêt. Si la demande n’est pas rejetée, le responsable doit collecter toute l’information nécessaire pour mener une investigation complète de la situation du demandeur.

L’information réclamée consiste généralement en un business plan (ou projet commercial) avec les états financiers des trois dernières années, les états de cash flow, les états fiscaux, les états pro forma ou les projections et les budgets, en particulier la prévision budgétaire de cash flow (décrit dans la section J-5 du chapitre 8 . Les budgets en matière de liquidités sont essentiels pour les lignes de crédit renouvelables ou les prêts saisonniers car ils doivent montrer comment le remboursement sera financé. Comme un budget des liquidités ne couvre en général que 12 mois il n’est pas aussi importants pour les prêts à moyen terme.

Les autres informations qui peuvent être exigées concernent la nature des activités qui vont être financées, les documents relatifs aux garanties ou les états financiers personnels des propriétaires surtout si l’entreprise est en partnership ou possède un seul propriétaire. C’est durant la rencontre initiale cruciale que le responsable bancaire collectera les observations personnelles sur le demandeur tout en vérifiant l’adéquation des documents demandés pour traiter le dossier de prêt

Plus tard une visite chez le client est normale. Les références bancaires et commerciales sont toujours demandées. L’investigation comprend l’étude des rapports des agences de crédit, des autres banques, les documents publics éventuels concernant des affaires judiciaires et, bien sûr, des informations sur le secteur et l’historique de la société .

La base de l’évaluation d’un client repose sur les 5 C bien connus des banques :
- caractère ou détermination de l'emprunteur quant à ses futures obligations,
- capacité à générer des cash flows suffisants pour rembourser
- capital que le propriétaire doit avoir mis dans l'affaire
- conditions du l'économie et du secteur
- collatéraux ou garants éventuels du demandeur comme source secondaire, mais jamais primaire, de remboursement.

Une analyse financière pourra confirmer avec des statistiques précises qu’il n’y a pas de risque excessif quant à la capacité du client à remplir ses obligations à partir d’analyses
- du fonds de roulement d'exploitation (voir la section du chapitre 8 C)
- des ratios de trésorerie et ratios courants (voir la section du chapitre 8 D)
- de la capacité à couvrir ses dépenses (voir la section C-4 du chapitre 11
- de la structure de la dette (voir la section D-3 du chapitre 11


Tout ceci est réalisé de façon comparative par rapport aux années précédentes et aux autres entreprises du secteur. Pour obtenir toutes les informations financières dans une forme standard, les données sont entrées dans une feuille de calcul et les ratios sont calculés automatiquement. Aux Etats-Unis les banques disposent de ratios comparatifs calculés pour environ 800 secteurs par Robert Morris Associates dans une publication annuelle appelée « Annual Statement Studies » (déjà mentionnée dans la section D-2 du chapitre 1 et dont le contenu sera encore discuté à plusieurs reprises).

La collecte des chiffres ne représente qu’une partie du travail analytique, le responsable des prêts doit s’assurer que les chiffres collent à la réalité. Naturellement l’opinion des commissaires aux comptes qui accompagne les états financiers doit être favorable, sans mention de limitation sur l'ensemble couvert ou les imprévus. De plus, une inspection visuelle des opérations du client doit être organisée. Cette visite doit servir à montrer les aspects qualitatifs des locaux de la société, de son personnel et de ses produits. Quand des garanties collatérales existent, le processus d’analyse doit inclure une inspection physique des actifs et la lecture des titres de propriété. Si les actifs servant de garantie sont dans un entrepôt ou sont laissés entre les mains de l’emprunteur, le département juridique de la banque doit revoir le document de prêt et établir un droit de rétention sur les actifs auprès des autorités compétentes. Le département juridique n’a pas à être saisi si les actifs sont dans un entrepôt public, mais des procédures de contrôle du mouvement de ces actifs doivent être prévues dans le contrat de prêt .

Par-dessus tout, le responsable des pêts doit être sûr que les personnes qui gèrent la société ont la compétence pour mener à bien les objectifs du plan de développement. Les relations de ces gestionnaires avec leurs clients, entre eux et avec leur personnel sont une partie essentielle d’une bonne gestion. Il n’ y a pas un type d’organisation ou un style de management qui pourrait assurer de la capacité à rembourser un prêt. Centralisation ou décentralisation, autoritarisme ou délégation de responsabilité, structuration par fonctions ou par produits, chacun de ces modèles peut être efficace. Le responsable des prêts doit s’assurer que la façon dont les travailleurs sont en relation n’est pas étouffante et susceptible d’engendrer des problèmes .

Plus la quantité empruntée est grande, plus l’analyse doit être approfondie et plus élevé est l’échelon décisionnel dans la banque. Un responsable d’agence locale sera responsable de prêts de taille modeste ou modérée. La limite varie considérablement d’un établissement à l’autre et dépend de l’expérience du responsable. Il y a en général une limite pour chaque prêt qu'un responsable peut approuver ( par exemple $ 100 000) et il y a une limite générale pour le total des prêts de la responsabilité d’un seul responsable ( par exemple $ 1 000 000). Si une de ces limites est dépassée, une demande doit être adressée au responsable hiérarchique qui a en général une limite plus large. Enfin les grands prêts sont soumis au comité des crédits. Un prêt qui représente un risque majeur (et une opportunité de profits elevée) devra être approuvé par le directeur de la banque.

Le responsable des prêts négocie avec le demandeur les termes qui sont les plus appropriés pour la société et qui génèrent un intérêt adéquat pour la banque avec un risque tolérable. Comme on l’a vu dans le chapitre précédent le taux d’intérêt représente à la fois le coût d’obtention des fonds, le risque attaché au prêt, le coût des services administratifs ainsi que les objectifs de revenu de la banque et d’autres revenus d’opportunité tels que les commissions et services divers. Pour déterminer le niveau de risque du prêt, un système de rating est souvent utilisé où les différents aspects des 5 C sont donnés avec différentes pondérations pour arriver à un ratio de capacité de crédit du client. Le rating du prêt et le niveau d’intérêt chargé font partie du processus de fixation des prix (ou valeur) du prêt deja discuté dans la section 3C-1 du chapitre 3


La matrice qui met en forme les points à additionner pour chaque type de prêt est une illustration de la stratégie de la banque pour attirer ou décourager certains types de prêts. Le taux d’intérêt du risque augmente avec la longueur de la maturité, les changements anticipés dans l’économie et la possibilité de la banque en matière d’approvisionnement en fonds. Une banque élabore sa stratégie d’actif – passif de façon à minimiser son exposition, tout en recherchant le niveau désiré de prêts générant de hauts revenus. Les prêts à long terme sont ainsi une source de risque pour les banques qui obtiennent leurs fonds de déposants à court terme.

Pour traiter des risques de taux d’intérêt il existe des techniques de couverture tels que les swaps de taux, les swaps à l’échéance et d’autres contrats de futures ( qui ne sont pas traités ici mais brièvement décrits pour les entreprises non financières dans la section G du chapitre 12 G). Mais il y a un coût à couvrir le risque. Les banques réévaluent continuellement leur sensibilité aux variations de taux et ajustent leur stratégie de couverture. La sensibilité aux taux et le niveau d’exposition dépendent fortement du futur des taux d’intérêt et de l’économie. D’où l’importance des prévisions de taux et des prévisions économiques ( à partir desquelles les prévisions de taux sont réalisées). Les facteurs affectant les taux d'intérêt sont énumérés dans la section D du chapitre 2 et les techniques analytiques utilisées dans les prévisions de taux d'intérêt sont illustrées dans la section C du chapitre 15

L’exemple le plus frappant de l’échec en matière de gestion des risques de taux est celui des American Savings and Loan Associations ( S&L) à la fin des années 1980 et au début des années 1990. Traditionnellement ces banques faisaient des crédits hypothécaires locaux en utilisant des dépôts d’épargne qui étaient assez stables car les taux gagnés sur ces dépôts par, la plupart du temps, des petits déposants étaient fixes. Au début des années 1980, la dérégulation dans le secteur bancaire amena d’autres banques à conquérir une partie des dépôts des S&L et permit aux S&L d’offrir d’autres types de prêts et de détenir des titres financiers et de l’immobilier. Les S&L furent obligées, pour résister à la concurrence, d’offrir des comptes de dépôts rémunérés au marché monétaire. Ceux-ci sont beaucoup plus instables et coûteux que les dépôts fixes précédents. Les S&L essayèrent de regagner des positions compétitives en faisant des prêts commerciaux et en se lançant dans le développement immobilier. Ces investissements s’avérèrent bien plus risqués que prévu et, les taux d’intérêts sur le marché monétaire ayant augmenté, la situation devint désespérée : elles détenaient des actifs à long terme qui ne généraient pas les revenus espérés et elles devaient payer des montants de plus en plus élevés d’intérêts à leurs déposants. En une décade les deux tiers des S&L disparurent ou furent absorbés par d’autres banques. .

Voir les questions Q-4b1.1 à Q-4b1.13

2) - Comité de crédit :

Un comité de crédit est composé de membres des départements de crédit, de trésorerie et de contrôle. Un officier de prêt doit convaincre le comité de crédit que le prêt qu' il souhaite approuver sera profitable pour la banque en prenant en considération la stratégie de la banque, le risque de l'emprunteur et les occasions de futures affaires avec l'emprunteur. Les termes du prêt doivent avoir été déjà établis avec l'emprunteur éventuel. La présence du trésorier au sein du comité garantit qu'une attention appropriée a été apportée au sourcing des fonds nécessaires pour le prêt. Le contrôleur vérifie que les procédures appropriées ont été suivies dans le traitement de la demande de prêt, la recherche et l'analyse financière. Le trésorier et le contrôleur peuvent également regarder la synchronisation de l'exposition résultant du prêt. Les membres de service du crédit passent en revue le prêt et vérifient que le prêt est compatible avec la stratégie de prêt globale de la banque.

Voir les questions Q-4b2.1 à Q-4b2.2

-- exemple de l'approbation d'un prêt --

3) -Le Département des crédits :

Chaque prêt est analysé par le département des crédits pour déterminer les caractéristiques du portefeuille de crédits de la banque et pour assister le comité des crédits dans ses décisions. L’étude du crédit peut consister en autant d’investigations que celles faites initialement par le responsable des crédits à l’exception des interviews et visites chez le client. L’analyse financière est réalisée de facon identique pour tous les crédits de telle sorte que les caractéristiques de chaque prêt soient homogènes avec le portefeuille d’ensemble de la banque De plus un examen est fait périodiquement pour comparer les performances de chaque responsable de prêts et de chaque agence de telle sorte que les déviations soient repérées. C’est la seule façon de voir de manière systématique les déviations par rapport à la stratégie de la banque et de prendre des mesures correctives. Enfin l’étude des crédits est nécessaire pour les fonctions de contrôle.

Pour récapituler, l’analyse périodique de l’ensemble du portefeuille de la banque permet de formaliser la stratégie de la banque, son exposition, les objectifs de la gestion actif-passif, de prévenir les fraudes et d’avertir certains responsables que leurs prêts ne correspondent pas avec la stratégie de la banque. Il y a trois dimensions à une stratégie bancaire. D’abord la stratégie cherche à déterminer le niveau de revenu du portefeuille de crédit de la banque et de le comparer au coût des ressources. Ensuite la comparaison des échéances des remboursements et des déboursements montre l’exposition de la banque dans le temps. Cela permet de comprendre les changements nécessaires pour obtenir de nouveaux fonds ou pour produire de nouveaux prêts. L’exposition dépend aussi de la sensibilité aux taux des actifs et des dettes comme déjà mentionné. Troisièmement l’exposition analysée par secteurs ou régions montre si un changement est nécessaire dans l’approche marketing des clients potentiels. Enfin l’analyse donne des données sur les prêts à problème et les moyens de les éviter dans le futur.

Les prêts à problèmes sont toujours difficiles à traiter. Beaucoup finissent dans les impayés de la banque avec peu de chance de recouvrement. Sachant que les bénéfices nets sur les actifs des banques sont en moyenne de moins de 1% , et certaines années de moins de ½ % , il est clair que même seulement 2 à 3% de mauvaises dettes sont très pénalisantes. Ceci montre l’importance d’une bonne analyse financière. Ainsi, dans les articles et les livres sur la débacle des S&L discutée dans l’exemple précédent, beaucoup ont montré qu’un facteur important expliquant la faillite des S&L est que celles-ci ne menaient pas d’analyse sur les prêts commerciaux .

-- Exemple de la stratégie d'une banque en matière d' actif-passif affectée par l'analyse des crédits : par exemple, un cas illustrant l'exposition selon l'échéance --

Voir les questions .

4) - Surveillance des prêts :

Toute nouvelle information se rapportant à chaque emprunteur relevant d'un responsable des prêts doit être transmise à ce responsable. En particulier tout retard de paiement doit être porté à son attention immédiatement. Avec des informations financières à jour (par exemple des rapports trimestriels) une nouvelle analyse financière est menée par le responsable des prêts (ainsi que par le département des crédits dans sa revue périodique des prêts) pour être sûr que le plan de financement de l’emprunteur tient toujours. Si quelque chose se passe qui n'est pas prévu, une action doit être engagée. Il y a au moins trois sortes d’action. D’abord le responsable des prêts doit parler avec l’emprunteur pour connaître le problème. Ensuite le prêt doit être déclassifié et être inscrit avec une moindre valeur dans le portefeuille de la banque. Dans le même temps, une provision doit être constituée pour la perte potentielle que cette reclassification représente comme on l’a vu dans la section 3C-2 du chapitre 3. Finalement le responsable des prêts peut demander l’assistance du département juridique pour protéger les intérêts de la banque. .

-- exemple d'un échec en matière d'analyse de crédit montrant qu'elle est due, soit aux erreurs du responsable des prêts, soit à l'emprunteur --

En 1995, les prêts bancaires en Russie ont les caractéristiques suivantes
- les prêts sont presque tous à court terme, en moyenne moins de six mois ;
- une garantie est exigée;
- les crédits hypothécaires sont freinés par des statuts très peu clairs sur la propriété. Habituellement l’engagement consiste en un transfert conditionnel de titre à la banque qui sera exercé si l’emprunteur ne remplit pas ses obligations
- très peu de prêts sont disponibles pour les petites entreprises à cause de leur futur instable encore que quelques fonds publics ( ainsi que des agences de développement étrangères) leur sont fournis par des banques spécialisées ;
- les données financières des sociétés sont disponibles trimestriellement mais sont réputées être ouvertement faussées et les responsables des prêts utilisent l’analyse financière avec scepticisme.
- environ un quart des prêts sont prolongés : il s'agit de prêts demandés à court terme mais utilisés dans une optique long terme .

L'analyse d'un petit groupe de banques en 1994 révèle que :
- les banques russes sont généralement plus centralisées que les banques étrangères,
- les comités de crédit ont beaucoup de poids et peuvent inclure les cadres supérieurs des banques,
- l’encadrement est constitué de banquiers de l’époque soviétique avec beaucoup d’années d’expérience ou de jeunes diplômés avec peu d’expérience et donc peu de professionnels ayant l’expérience de la banque moderne
- les prêts pour chaque banque sont concentrés par région, secteur ou un petit groupe d’organisations qui ont créé la banque au départ .

Voir les questions de Q-4B3.1 à Q-4B3.6

Voir les travaux de recherches R-4.3 R-4.4 et R-4.5

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