ANALYSE FINANCIERE  © John Petroff Traduction: Françoise BRUNELLE Source: PEOI

 


Chapitre 2 B- Marges brutes d'autofinancement


B- Comment définir les revenus futurs issus de la détention d’actifs financiers.

 

Les revenus futurs qui doivent être pris en compte dans la formule générale sont toutes les formes de variation de la richesse du propriétaire qui peuvent être attribuées à la possession d’un actif financier donné. Souvent beaucoup d’efforts sont consacrés à décrire avec précision les droits du détenteur de l’actif. Dans le cas d’un prêt, les droits du préteur sont définis dans un contrat de prêt où intérêts et principal doivent être payés à des dates bien déterminées pour un montant précis. Pour les obligations, les coupons et le principal sont également bien définis. Mais beaucoup d’obligations sont rendues attrayantes pour les acheteurs potentiels par toute une variété d’avantages (ou d’incitations) tels que les primes de conversion, les primes de remboursement, des options d’achat ou de vente, et ainsi de suite(voir la section D-3 du chapitre 12).Quantifier leur valeur monétaire est une difficulté supplémentaire. Dans le cas des actions, un droit à dividende ne comporte aucune garantie ; de même la hausse attendue du prix de l’action sur le marché dépend d’un large éventail de facteurs tenant à la société elle-même, au marché, à l’économie et même à la politique.

Pour d’autres types d’investissement, tels que l’achat de nouveaux équipements ou la fusion avec une autre compagnie, les revenus sont fonction de facteurs encore plus difficiles à prévoir. La plus grande partie de ce manuel est précisément consacré à l’analyse de ces facteurs. Mais plutôt que de disséquer séparément chacun des revenus possibles, il parait plus utile à ce stade d’établir quelques principes généraux qui s’appliquent à tous les actifs financiers. A cette fin, dans les prochains paragraphes, le vocabulaire utilisé sera applicable à tous les types d’actifs financiers, y compris un investissement dans un projet élaboré par une société, qui est ainsi sorti du contexte des dépenses en capital.

La règle de base est que les revenus futurs sont totalement fonction de la décision d’aujourd’hui et que cela fera varier la richesse du décideur. Ainsi ces revenus doivent être issus directement de la décision et nets après impôts sur les accroissements des cash flow ou de leurs équivalents. Reprenons chacun de ces termes l’un après l’autre.

- variation de la richesse : il s’agit de tous les types de revenus tels que les dividendes pour les actions, les paiements de coupons pour les obligations, les paiements d’annuités pour les prêts ou les revenus provenant de la vente de produits ou d’actifs.

- issus de la décision : seul ce qui est pertinent doit être pris en compte c'est-à-dire ce qui découle exclusivement de la décision. Naturellement cela dépend de ce qu'il est possible de faire. Par exemple un responsable d’usine doit choisir ente deux nouveaux tours qui doivent remplacer un tour ancien. Est-ce que la valeur résiduelle de l’ancien tour doit être prise en compte ? La réponse est non aussi longtemps que le remplacement de la vieille machine n’est pas remis en question . Que faire de l’ancien tour n’a aucune influence sur le choix entre les deux nouvelles machines.

- net : les dépenses directement liées aux recettes doivent être déduites. Ainsi pour le remplacement des tours ce serait le transport, l’installation, l’assurance, l’entretien et la maintenance du nouveau tour. Pour les titres financiers ce sont les coûts d’acquisition ainsi que de paiements des revenus; ces dépenses devraient théoriquement comprendre les frais d’étude et les coûts de transaction (parfois connus sous le nom de coûts de friction) ; en pratique de tels frais de friction sont la plupart du temps inclus dans les calculs d’évaluation des actions et des obligations. Pour les prêts ces coûts ne sont pas inclus dans les paiements d’annuités mais sont incorporés dans le taux d’intérêt, comme on le montrera dans la section C du chapitre 3

- après impôt : les impôts doivent également être déduits car la richesse personnelle est nette d’impôt. Cependant souvent cette condition n’est pas prise en compte pour les titres financiers dans la mesure où les calculs ne sont pas effectués pour une personne spécifique mais pour tout porteur potentiel et chaque porteur peut se trouver dans une tranche d’impôt différente. Dans les calculs de choix des investissements en capital, les projets sont comparés en prenant le taux marginal d’imposition de la compagnie si le projet est supposé augmenter les ventes et les profits et le taux moyen si le projet remplace un processus existant sans augmentation des ventes ou des profits.

- par accroissement : seules les augmentations de revenus et de coûts attribuables à la prise de décision doivent être pris en considération. Ce qui n’est pas une variation, ce qui ne change pas, doit en être exclu. En général tous les frais fixes ou les dépenses liées au passé sont exclus des calculs.

- cash flow : les revenus ne sont pas des profits mais du cash flow ( ou marges brutes d'autofinancement) car les profits incluent des frais généraux fixes, cumulés ou reportés qui ne sont pas reliés à la décision d'aujourd'hui. Typiquement, par exemple, provisions et amortissements sont déduits pour extérioriser le profit, mais ils ne constituent en rien un flux monétaire l'année où ils sont comptabilisés (ce qui a pu être le cas quelques années auparavant quand l'actif a été acheté). Ils doivent être rajoutés si ils ont été initialement déduits comme dépense. Notons cependant que le calcul fiscal doit reprendre les amortissements ( et leurs équivalents) comme dépense pour le calcul des crédits d'impôts qu'ils générent. Ainsi il y a deux méthodes pour calculer le cash flow: soit le profit après impôts auquel on réincorpore les amortissements, soit les revenus nets d'impôts moins les dépenses effectivement réalisées et moins les crédits d'impôts issus des amortissements. C'est la première méthode qui est la plus couramment utilisée.

- équivalents cash flow : l'amortissement est un bon exemple d'équivalent de cash flow. Mais il y en a beaucoup d'autres qui produisent soit des réductions de dépenses soit un droit à revenu futur. Un exemple typique est celui du droit de conversion attaché à une obligation : le gain potentiel lié à la détention d'actions doit être quantifié en se basant sur la côtation de l'action sur le marché même si le porteur de l'obligation n'a aucune intention d'exercer son droit à conversion aujourd'hui..

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1) - Ajuster à l'inflation ou non

Il y a deux façons de procéder avec l'inflation : a) l'inclure à la fois dans la détermination des cash flows et dans le taux d'actualisation, ou b) n'en tenir compte ni dans l'un ni dans l'autre. On aura pu noter en effet qu'en définissant les revenus futurs comme des cash flows, rien n'a été dit concernant l'inflation. Il y a une hypothèse implicite qui dit que tous les montants futurs de revenus comme de dépenses sont évalués en monnaie courante, c'est à dire que tous les montants sont des montants réels non affectés par l'inflation. C'est là qu'une distinction doit être faite entre l'évaluation des projets d'investissement en capital et l'évaluation des autres actifs financiers. Pour la plupart des actifs financiers, les cash flows futurs tels que les coupons, les annuités d'emprunt, les dividendes etc. sont naturellemnt des revenus à recevoir en monnaie courante. Ce sont des montants nominaux, la conversion en cash flows réels ( c'est à dire ajustés de l'inflation) n'a pas de sens et le seul choix est celui d'utiliser des taux nominaux.

Dans le cas des projets d’investissement en capital, l’hypothèse d’ignorer l’inflation est parfois difficile à accepter car l’inflation est présente dans toutes les économies du monde et parfois sévère dans certaines d’entre elles. En pratique écarter cette hypothèse dans le cas des projets d’investissement en capital et ajuster chaque cash flow à l’inflation future crée plus de problème qu’il n’en résout. Si tous les montants futurs doivent être ajustés à l’inflation, c'est-à-dire "inflatés", une prévision de taux d’inflation est nécessaire. Or le taux futur d’inflation que la plupart des analystes serait prêt à accepter est le taux actuel. Car les pays où une prévision d’inflation semble le plus nécessaire sont naturellement ceux où l’inflation a été élevée pendant un certain temps. Mais l’inflation est particulièrement instable dans de tels pays. Aussi incorporer dans les calculs une estimation de l’inflation future dont on sait qu’elle n’est pas juste apparaît finalement comme apportant plus de distorsion que le fait de l’omettre.

Quand l’inflation est ignorée (comme on vient de le recommander), mais existe dans les faits, la seule distorsion significative sera une surévaluation des amortissements. En effet, dans les évaluations des revenus futurs l’amortissement est calculé en utilisant son prix d’achat d’origine mais est déduit de revenus qui sont calculés en monnaie ayant subi l’inflation.Cela veut dire que le crédit d’impôt issu des amortissements diminue avec l’inflation. Au contraire, si on fait une estimation réelle des cash flows, le crédit d’impôt issu des amortissements reste constant et est donc surévalué dans les projets d’investissement en capital. Il y a une certaine diminution de cette distorsion dans les pays où l’inflation est élevée car dans ces pays les règles comptables autorisent une réévaluation des actifs et donc des amortissements en utilisant un indice officiel d’inflation.

Pour réconcilier la méthode d’évaluation des projets d’investissements en capital avec celle des autres actifs financiers la procédure consiste à utiliser des taux nominaux pour actualiser des montants nominaux et à utiliser des taux réels pour actualiser des montants réels. Ceci sera mieux expliqué dans la section décrivant les composants des taux d’intérêts.

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2) - Non pertinence des années antérieures

La valeur des choses découle de l’utilité qu’elles procurent dans le futur et non des coûts nécessaires dans le passé pour les produire ou les acquérir. Le prix auquel un actif a été acquis, et qui est inscrit au bilan, a peu de chose à voir avec son usage futur. Prenons le cas d’un boulangerie : savoir si ses fours ont été achetés en 1989 pour 1 000 000 de rouble ou en 1994 pour 100 000 000 de roubles n’a pas d’importance aussi longtemps qu’ils fonctionnent. Ce qui importe est que les employés cuisent du pain à la qualité et à la quantité auxquels les consommateurs veulent l’acheter. La valeur au bilan n’a pas d’importance. Les ventes et les profits futurs doivent être considérés sans rapport avec ce qui est décrit au bilan.

Pour la même raison et de façon générale les montants au bilan n’ont aucune pertinence lorsqu’il s’agit de comparer la capacité de différentes sociétés à exploiter les opportunités de vente qui leur sont offertes. Certes les chiffres au bilan seront naturellement examinés aux chapitres 10 à 12. Mais leur analyse sera faite en gardant un oeil sur le futur afin de déterminer la capacité de la compagnie à produire suffisamment pour ses prévisions de vente. De plus l’étude pourra plus précisément analyser si les actifs au bilan sont utilisés de façon efficace ou si les méthodes d’amortissement génèrent suffisamment de cash flow pour remplacer les équipements dans les temps prévus. En d’autres termes la valeur n’est pas issue de la possession d’un actif ( par exemple les fours) mais de son utilisation future ( par exemple les futures ventes).

3) - L'impact des différentes opportunités possibles

Ainsi la difficulté réside dans la prévision des évènements futurs. Etudions cela avec un exemple très simple de notre vie personnelle. Prenons quelques objets personnels tels qu’une paire de moufles d’hiver par exemple. La valeur de ces moufles est déterminée par la possibilité de tenir les doigts au chaud par temps froid. Tout d’abord les moufles peuvent être comparées à d’autres objets personnels tels que des gants de conduite, une écharpe et toute une gamme d’objets comparables.De cette comparaison on pourra décider que l’achat et la possession de moufles à 15 $ procure une plus grande utilité que la possession d'une chemise ou d’une écharpe à 15 $. Ensuite l’opportunité d’utiliser réellement les moufles dans le futur déterminera si l’on doit acheter et garder les moufles ou au contraire les vendre ou bien ne jamais les acheter. Si quelqu’un a l’intention de partir dans un pays nordique les bénéfices de moufles bien chaudes apparaîtront beaucoup plus tangibles et leur valeur pourra monter à 50 $ (en incluant par exemple le coût d’un transport spécial par avion). Mais si quelqu’un prévoit de partir pour un pays équatorial où il n’ y a aucun usage pour les moufles, leur valeur pourrait chuter à 1 $ ou même devenir négative en raison du coût d’élimination.

L’opportunité peut être également vue sous l’angle d’une multitude d’utilisateurs : par exemple la location des moufles à un cousin en excursion dans un coin des Alpes en échange d’une bonne bouteille de bière illustre un autre type de mesure de bénéfices alternatifs. En fait le processus d’évaluation par l’étude des opportunités de location est couramment pratiqué en matière immobilière. Par exemple on fixera la valeur à 24 $ en raison de 24 opportunités de location des moufles.

Dans ces différentes méthodes d’évaluation des opportunités, le prix d’achat initial a peu d’importance. En général le prix d’achat initial d’un bien joue un rôle seulement si a) le prix lui-même ne change pas et si b) le bien n’est pas affecté par des changement technologiques. Dans le monde d’aujourd’hui avec les progrès technologiques rapides pour encore mieux servir les consommateurs, rares sont les biens qui remplissent ces conditions.Même des biens de base aussi peu changeants que le sucre et le sel ont subi des baisses de prix car les consommateurs soucieux de leur santé en ont perdu le goût. Tout ce qui ne connaît pas une demande croissante voit sa valeur décroître.

Il nous reste à examiner le prix d'offre d’un actif qui peut représenter une opportunité gagnant à être étudiée. Mais le nouvel élément à prendre en considération est constitué par l’ensemble des opportunités possibles pour tous les acheteurs potentiels, opportunités qui se traduiront probablement en une décote ou une remise (c'est-à-dire une diminution de la valeur) dans la mesure ou l’acheteur potentiel ne sait pas si l’actif (les moufles dans notre exemple précédent) présente ou non des défauts. A la fois le prix de vente et le prix d’achat (appelé aussi prix d’offre et de demande pour les actifs financiers) sont affectés par la structure et la profondeur du marché et le type de participants. Un nombre insuffisant d’acheteurs ou de vendeurs entraînera la fixation d’un mauvais prix. Pour surmonter ce type de déficience les acheteurs doivent rechercher l’information et les vendeurs doivent la fournir ( par la publicité ou d’autres moyens). La recherche et la fourniture d’informations augmentent les coûts de transaction.

En 1993, beaucoup de marchés de biens ou de marchés financiers en Russie étaient notoirement sous développés et inefficaces. Ainsi des vendeurs de titres financiers pouvaient se retrouver près des sorties de métro à côté des vendeurs de bananes ou de pommes. Une méfiance générale existait à l’égard de beaucoup de formes de publicité. Les règlements financiers étaient particulièrement sujets à un grand scepticisme après que plusieurs escroqueries furent ruiné un grand nombre d’individus.Obtenir une information fiable sur les compagnies russes était également difficile.

On en dira plus sur les mesures du cash flow au chapitre suivant et au chapitre 10..

Voir les questions de révision de Q-2B.1 à Q-2B3.3

Voir le travail de recherche R-2B.1

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