ANALYSE FINANCIERE  © John Petroff Traduction: Françoise BRUNELLE, Bertrand BAUDELET, Pierre-Alain Richardot Source: PEOI

 


Chapitre 1 B- Quand et pourquoi?

B- Quand et pourquoi réaliser une analyse financière ?

L'analyse financière est réalisée de manière à évaluer la valeur d'une entreprise afin d'acheter ou de vendre ses actions, d'accorder des prêts, d'acquérir l'entreprise, de fournir des équipements en leasing, d'accepter ou de mettre fin à un contrat. La valeur en est définie comme la somme des avantages futurs découlant des prises de décisions par rapports aux revenus, en provenance des ventes, des intérêts de prêts ou de tout autre flux d'argent. La valeur, comme la beauté, dépend beaucoup de celui qui la regarde. Pour chaque décideur, les avantages futurs seront différents. Par conséquent, il existe plusieurs unités de valeur. L'évaluation de la valeur diffèrera selon le but choisi par l'analyste pour réaliser son analyse. Ainsi dans l'océan, un poisson a une valeur différente selon qu'il est considéré en tant que reproducteur ou repas. Le chapitre 3 distingue différentes approches pour mesurer la valeur suivant la problématique du décideur. Le décideur peut être un investisseur extérieur, un prêteur à long terme, un prêteur à court terme, un organisme gouvernemental, un client, un fournisseur, un entrepreneur, un directeur ou un employé de l'entreprise. Aucun de ces individus ne perçoit la valeur d'une entreprise de la même façon, ni avec les mêmes préoccupations.

Vérifions ceci avec des exemples suivant deux points de vue différents. Prenons par exemple, un banquier et un investisseur. Le banquier peut d'une manière justifiable préférer que les capitaux courants représentent un multiple des passifs exigibles. Le ratio de solvabilité (capitaux propres sur dettes LT) de l'entreprise s'en trouve alors amélioré car plus il est haut, meilleur il est. Mais pour un investisseur, les passifs exigibles et les comptes fournisseurs, en particulier, sont les ressources disponibles les moins chères ; si l'entreprise ne les emploie pas, sa rentabilité et, aux yeux des investisseurs, sa valeur en sont diminuées. Quelle est la raison de la différence? La banque voit de la valeur dans le remboursement rapide des dettes à court terme; l'investisseur de capitaux propres voit de la valeur dans un remboursement plus lent des dettes à court terme.

Bien plus pourrait être dit sur l'impact qu'ont les différents ratios sur la perception de la valeur d'une entreprise. Cependant, tous les analystes passent par des étapes assez similaires. Alors que la nature des avantages et de la valeur diffèrent selon le type d'actif financier, les paramètres de leur évaluation sont semblables. Que les avantages escomptés soient des dividendes, des paiements d'intérêts ou une marge brute d'autofinancement, de tels avantages sont toujours à venir, et comme le futur est incertain, tout processus analytique doit inclure le risque toujours présent, la difficulté de la mesure de celui-ci, son timing ainsi que des marges de manoeuvres suffisantes.

Une autre dimension de la détermination de valeur est qu'elle n'est jamais conduite sur une seule entreprise ou sur des capitaux isolés. L'analyse financière est toujours menée comparativement. Ainsi, pour le banquier désirant accorder un prêt entre plusieurs emprunteurs potentiels: il pourra approuver le prêt seulement si ce demandeur est meilleur client que les autres. En effet, aucun investisseur responsable ne met tous ses oeufs dans le même panier : le portefeuille de ses différentes valeurs doit être périodiquement rééquilibré, en vendant quelques positions et en achetant d'autres, selon la stratégie de son portefeuille et les performances sectorielles (à condition, cependant, que les coûts de transactions n'excèdent pas le gain potentiel du portefeuille rééquilibré). Ainsi, les analystes doivent recueillir des données comparatives et doivent être sans arrêt sur le qui-vive pour déterminer l'alternative la plus attrayante.

Ce qui ressort de cette première discussion est que le concept de valeur est universel (c.-à-d. la valeur est la somme actuelle des avantages futurs), et non sa mesure (en effet, les avantages sont différents en termes de nature, de taille, de moment, d'incertitude et de méthodes de projection). Par ailleurs, les mesures de valeur sont également affectées par les attitudes, les besoins et les possibilités des analystes et/ou des décideurs. Prenons à nouveau l'exemple du banquier et considérons un autre banquier regardant le même emprunteur potentiel. Chacun des banquiers juge le client dans le contexte de la stratégie du portefeuille de leur banque. Une banque peut avoir besoin de gagner un taux plus élevé d'intérêt, alors que l'autre banque peut devoir prêter uniquement sur du court terme même si l'intérêt collecté est inférieur.

Malgré ces différences dans l'évaluation de valeur, il y a, pour beaucoup de raisons, nombre de similitudes dans le processus analytique et ce, indépendamment du but. D'abord, parce que beaucoup d'avantages futurs sont affectés par les mêmes éléments. Excepté lors d'une décision de vente d'actifs d'une entreprise récemment acquise, la plupart des analystes regardent les entreprises en tant que fonds de commerce. Par conséquent, la plupart des analyses incluent une évaluation de la capacité d'une entreprise à se développer et à prospérer dans l'avenir.(Voir l'article de Ball et Brown qui démontre que la vitesse de l'analyse est importante.)

La deuxième raison se rapporte à l'analyste lui-même. L'analyse financière exige un travail considérable (comme on le verra dans les différents chapitres, et comme on peut le prévoir, puisque la comparaison avec beaucoup d'autres entreprises est nécessaire) et nécessite des qualifications particulières. Il est à noter que la création d'analyses incorrectes mène à des décisions où les pertes pousseront le décideur hors du marché. L'évitement de ces conclusions erronnées permet d'accroître l'expérience, les qualifications et la spécialisation industrielle des analystes. Les décideurs ne sont pas toujours capables d'effectuer eux-mêmes l'analyse financière parce que leurs décisions sont influencées par des émotions personnelles. On peut vérifier cela dans le cas du marché immobilier: tandis que le vendeur d'une maison a un attachement affectif à la maison, l'acheteur potentiel a une crainte de problèmes inconnus dans la structure, le toît ou le sous-sol. Un agent neutre, un expert indépendant par exemple, est utile car il pourra réduire les craintes des deux côtés. De même, les analystes doivent compter sur des méthodes objectives et éviter les interférences subjectives ou affectives. En outre, en raison de la formation assez lourde nécessaire pour devenir analyste, une certification est souhaitable (comme mentionné dans la section précédente).

Revenons pendant un moment sur l'idée que l'analyse financière n'est pas un but en soi. Les analystes ne sont intéressés que par l'argent, pas par l'art de l'évaluation (même si l'analyse financière est en effet considérée parfois comme un art, davantage que comme une science). La notion d'art pour l'art n'a aucune place dans le monde des finances. Ici encore, l'objectif de toutes les analyses financières est de déterminer si les capitaux à l'étude valent la peine d'être achetés / conservés ou si l'on doit s'en débarrasser ou les éviter. Cette décision n'est pas prise de manière isolée mais en même temps que pour tous les autres éléments d'actif actuellement détenus ou disponibles à l'achat. La décision suit les principes universels bien connus de dominance. Parmi des actifs comparables ayant le même niveau de risque, les investisseurs devraient préférer celui avec le plus haut profit; et, parmi les capitaux comparables avec le même niveau du profit, les investisseurs doivent préférer celui ayant le risque le plus bas .

Ainsi, l'analyse financière est réalisée pour déterminer la valeur afin de décider d'acheter, garder ou vendre les actifs. Comme de nouvelles informations peuvent affecter la détermination de la valeur, la décision d'acheter, de conserver ou de vendre devra sans arrêt être réévaluée. En d'autres termes, une analyse n'est jamais complètement terminée et donc la valeur est un concept dynamique plutôt que statique. Imaginons l'acheteur d'une nouvelle BMW 320i, qui a évalué l'utilisation de la BMW davantage que les $40.000 qu'elle a coûtés. Cessera-t-il de comparer la BMW aux Volvo, aux Honda et aux Peugeot? Non. Et pourtant, il ne peut pas rendre la BMW et acheter une autre voiture même s'il découvre que l'autre voiture est un meilleur achat. Les coûts de transaction (les impôts, le coût de l'information et le temps consacré à la transaction) empêchent le changement aussi longtemps qu'ils excèdent les avantages procurés par cette autre voiture. Dans les finances, les coûts de transaction sont en diminution depuis un bon bout de temps, et sont souvent insignifiants comparés aux pertes potentielles sur les actifs financiers mal choisis, et cela justifie des analyses financières plus périodiques pour identifier des occasions potentielles.

Voir les questions Q-1B.1 à Q-1B.6

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