ANALYSE FINANCIERE  © John Petroff Traduction: Françoise BRUNELLE Source: PEOI

 


Chapitre 14 C-1- Concentration d'un secteur

1) - Concentration d'un secteur et stratégies concurrentielles

La concentration d'un secteur indique si le contrôle du marché est aux mains de quelques-uns ou dilué entre beaucoup. Elle est simplement mesurée par le nombre d'entreprises du secteur qui contrôlent la majeure partie du marché. Ainsi, si trois entreprises ont une part combinée de 33% du marché ou plus, on dit que le secteur est concentrée, sinon il ne l'est pas. Si la part de marché combinée des trois entreprises principales excède 66%, le secteur est très concentrée. La concentration maximale se rencontre naturellement quand une entreprise a un monopole réel ou virtuel et une part de marché de plus de 66%.

Le Tableau T-14.3 montre la concentration du secteur manufacturier (mesurée par la proportion de part de marché détenue par les quatre plus grandes entreprises) pour certainaes années.

Tableau T-14.3

Taux de concentration : % du marché détenu par les quatre plus grandes entreprises
1963 1967 1972 1977
Véhicules à moteur 92 92 93 93
Téléphone 92 92 92 92
Cigarettes 80 81 84 85
Equipement photographique 63 69 74 72
Pneus 70 70 73 70
Pièces pour automobiles 60 60 61 62
Avions 59 69 66 59
Savons/detergents 72 70 62 59
Machines pour le bâtiment 42 41 42 47
Machines agricoles 43 44 47 46
Aciéries 51 48 45 45
Ordinateurs 66 51 44
Réfrigération 25 31 40 41
Pain 23 26 29 33
Pétrole 34 33 31 30
Produits pharmaceutiques 22 24 26 24
Usines à papier 26 26 24 23
Périodiques 28 24 26 22
Radio/TV 29 22 19 20
Journaux 15 16 17 19
Conditionnement de la viande 31 26 22 19
Lait 23 23 18 18
Scieries 11 11 18 17
Boissons non alcoolisées 12 13 14 15
Imprimerie 6 5 4 6
Bureau américain du recensement: Recensement des fabricants, taux de concentration dans la fabrication

On observera que plusieurs secteurs (véhicules à moteur, téléphone, cigarettes, équipement photographique et pneus) sont très concentrés. Et que plusieurs autres (imprimerie, boissons non alcoolisées, périodiques, radio/television, usines à papier, scieries, conditionnement de la viande, et même pétrole) ne le sont pas. Le tableau prouve également que le degré de concentration change au cours du temps, comme on s'en doute après la discussion précédente sur la consolidation dans les phases de croissance et de maturité du cycle de vie d'un produit. Ainsi, il est d'abord surprenant de voir que c'est le contraire qui s'est produit dans le secteur informatique entre 1967 et 1977 (voir le tableau ci-dessus) ; ceci reflète évidemment l'arrivée des entreprises de fabrication d'ordinateurs personnels.

Le Tableau T-14.4 ci-dessous montre le nombre d'entreprises par quantité d'employés qu'elles utilisent, regroupées en trois catégories : moins de vingt, entre vingt et cent, et plus de cent employés. Les données sont présentées en nombres absolus et en proportion de la population totale du secteur pour neuf secteurs américains en 1987.

Tableau T-14.4

Nombre d'entreprises des USA par nombre d'employés en 1987 (en milliers)
total < 20 20-99 > 100

Total de neuf secteurs

5937 5186 628 129
Agriculture 76 72 3 1
Mines 33 27 5 1
Construction 558 510 44 5
Fabrication 371 244 90 38
Transport 228 187 33 8
Vente en gros 466 401 59 6
Vente au détail 1516 1299 196 21
Finance 536 479 47 9
Services 1980 1797 148 35

Proportion d'entreprises des USA regroupées par nombre d'employés en 1987
< 20 20-99 > 100

Moyenne de neuf secteurs

0,87 0,11 0,02
Agriculture 0,95 0,04 0,01
Mines 0,82 0,15 0,03
Construction 0,91 0,08 0,01
Fabrication 0,66 0,24 0,10
Transport 0,82 0,14 0,04
Vente en gros 0,86 0,13 0,01
Vente au détail 0,86 0,13 0,01
Finance 0,89 0,09 0,02
Services 0,91 0,07 0,02
Bureau américain du recensement : recensement des entreprises manufacturières 1987

La fabrication a les secteurs les plus concentrés. Cette conclusion peut être tirée du Tableau T-14.4 qui montre que la fabrication est le seul secteur dans lequel les grandes entreprises (de plus de 100 employés) représentent plus de 10% de l'effectif du secteur privé. Cependant, il est certainement vrai qu'il y a aussi beaucoup de grandes entreprises dans les autres secteurs, particulièrement dans les mines, la finance et le transport. En dépit du grand nombre de petites entreprises (plus de 95% ont moins de 100 employés dans l'ensemble de la population du secteur privé des USA), il est bien connu qu'elles n'ont qu'un impact marginal sur leurs marchés respectifs. A elles seules, 200 des plus grandes entreprises américaines sur les millions qui existent possèdent 60% des actifs et produisent plus de 45% de la valeur ajoutée aux Etats-Unis.

Les monopoles sont en principe mal vus des pays occidentaux, mais on les tolére de fait en autorisant l'existence de quelques monopoles "naturels" en nombre décroissant et en octroyant aux détenteurs de brevets les droits exclusifs d'exploiter de nouvelles technologies. Il est clair que réussir à obtenir un pouvoir monopolistique est le rêve de tout chef d'entreprise en raison des bénéfices qui peuvent être obtenus en faisant payer le prix le plus élevé que puisse supporter le marché (celui où le coût marginal égale le revenu marginal, comme on l'apprend dans les premiers cours de sciences économiques). Mais il est difficile et interdit par la loi de faire disparaitre la concurrence du marché. C'est pourquoi le monopole provisoire que permet un brevet est un avantage tellement désiré.

Dans les secteurs où la concurrence serait improductive, le gouvernement ne doit permetre que l'existence de quelques entreprises. Cela s'est produit dans les services publics (eau, électricité, gaz, téléphone et service postal), certaines formes de transports (autobus urbains, trains de voyageurs), et les banques dans certains pays. Dans de nombreux pays, la plupart de ces secteurs étaient autrefois nationalisés et ils le sont encore dans certains, mais un vent de privatisation souffle sur le monde. Là où ces secteurs sont entre des mains privées, l'entreprise ou les entreprises qui sont autorisées sont surveillées par des commissions gouvernementales qui fixent les prix ou les tarifs autorisés, ainsi que certains aspects du fonctionnement de ces entreprises. Les tarifs sont déterminés de sorte que l'entreprise puisse obtenir "un juste profit" permettant d'attirer des financements pour l'amélioration et l'extension du service. Quand les traifs sont maintenus si bas que les entreprises sont forcées de subir des pertes, le gouvernement doit compenser ces pertes par des subventions. C'est courant dans les transports urbains afin de garantir que même les plus pauvres puissent se déplacer en ville. L'analyste financier qui analyse un tel secteur doit consulter le compte-rendu des délibérations où les tarifs ont été discutés par les représentants de l'administration, des entreprises et des utilisateurs.

Le cycle de vie des produits nous a montré qu'il y a bien une tendance à une concentration croissante avec le temps dans tous les secteurs. Cela se justifie par le besoin de profiter d'économies de coûts grâce aux économies d'échelle qui permettent à quelques entreprises dominantes de baisser leurs prix tellement bas que les autres ne peuvent pas s'aligner. Les entreprises qui ne peuvent augmenter leurs ventes sont forcées de fermer ou de se faire racheter par des entreprises plus performantes. Pour se défendre, les entreprises essaient de garder leurs clients en différenciant leurs produits de ceux de leurs concurrents par l'obtention de brevets, de droits d'auteur ou d'autres protections de la propriété industrielle, et en offrant de nouvelles incitations à l'achat sous forme of services, emballages, emplacement privilégié, etc. Elles essaient de se créer des niches pour satisfaire les goûts de clients spécifiques. Peu importe que la baisse des prix soit une tactique aggressive délibérée de prédateur ou simplement un louable effort de la direction pour être efficace et rentable. Peu importe également que l'entreprise qui baisse les prix soit nouvelle dans le secteur ou que ce soit l'une des premières à avoir développé le produit. Ce qui compte, c'est que toutes les entreprises connaissent la menace d'être expulsées du marché, quelque soit la niche qu'elles se sont construite. Cela se passe dans les secteurs concentrés comme dans les autres. Dans les secteurs où il y a beaucoup d'entreprises, la bataille a lieu dans un petit secteur géographique (ville ou département), ou se limite à quelques produits

Bien sûr, quand ceci se passe dans un oligopole très concentré de quelques grandes entreprises, les batailles peuvent être bien plus spectaculaires et les conséquence plus grandes. Il se trouve aussi que les plus grandes entreprises d'un secteur ont déjà l'avantage de la taille et des économies d'échelle. Elles sont en meilleure position pour conquérir des parts de marché et pour poursuivre cette guerre grâce à leur accès aux financements. Leur force financière leur donne aussi la possibilité d'acquérir de petites entreprises si elles le veulent. On le voit bien dans le secteur des boissons non alcoolisées où Coca-cola et Pepsi ont acheté de petits embouteilleurs aux USA et à l'étranger.

L'analyse de la structure d'un secteur doit révéler pour chaque entreprise importante
- si elle est susceptible de profiter de l'obtention de parts de marché,
- laquelle de ses lignes de produits est menacée par la concurrence,
- quelles forces elle peut mobiliser,
- quelles faiblesses la rendent vulnérable.

Il s'agit essentiellement d'une analyse de la stratégie marketing à long terme. Le travail de l'analyste consistera à déchiffrer les stratégies de chacune des entreprises influentes du secteur. Les entreprises à considérer comme influentes sont celles qui ont une influence directe sur la décision à prendre. Si l'étude concerne une entreprise en particulier, ce sont alors ses concurrents directs qu'il faut scruter. Si le but de l'étude est de sélectionner l'entreprise la plus prometteuse d'un secteur, alors les entreprises à scruter sont les entreprise leader du secteur (voir plus bas). Ceci représente évidemment beaucoup de travail. Mais, si on ne l'a pas fait, toute décision qui ne prêterait pas assez d'attention aux opportunités ou aux menaces éventuelles pourrait s'avérer malavisée.

Un secteur peut sembler avoir atteint une certaine stabilité, chaque entreprise paraissant exploiter tranquillement son propre terrain sans s'occuper des autres. Mais ce n'est qu'une illusion temporaire car, comme on l'a déjà dit, toute entreprise qui n'avance pas verra les autres la dépasser. Toute entreprise doit sans arrêt chercher à mieux servir son marché, ne serait-ce que parce que son marché change constamment avec les changements de goûts et de préférences des clients.

L'un de ces changements, actuellement vécu par toutes les entreprises, est la mondialisation de leurs marchés. De nouvelles opportunités et de nouvelles menaces naissent de l'élargissement des marchés à de nouveaux clients différents. Ceci ne concerne pas que les multinationales mais jusqu'aux entreprises de services locaux. Une analyse des acteurs d'un marché ne doit donc pas s'arrêter aux producteurs nationaux, mais étudier aussi les étrangers pour déterminer comment ils vont peut-être pénétrer les marchés nationaux (ce qui a bien des chances de se produire).

Voir les questions de révision de Q-14C1.1 à Q-14C1.12.

Voir les travaux de recherche de R-14C1.1 à R-14C1.3

  Practice questions

  Assignments

  Readings

 Quiz

[Votre opinion nous est importante. Posez vos questions et offrez vos remarques, critiques ou suggestions à contact information ou bien utiliser les forums ]

Précédent: Structuration des secteurs Modifié: 2010-06-18 Suivant: Leadership d'un secteur