ANALYSE FINANCIERE  © John Petroff Traduction: Françoise BRUNELLE, MONIQUE PETIOT, Christian Brigouleix Source: PEOI

 


Chapitre 12 A-2- Politique de dividende

2) - Politique de dividende

Les dividendes distribués sur les revenus de l'année en cours ont un impact direct sur la structure du capital, la croissance future de l'entreprise, et la valeur de l'entreprise pour les actionnaires et les investisseurs extérieurs.[50708] Selon la recherche théorique disponible et les textes des praticiens professionnels, il ne semble pas y avoir une stratégie optimale de distribution de dividende (qui serait semblable à la théorie optimale de la structure du capital vue dans le chapitre précédent). Au lieu de cela, il existe deux ou trois principes concernant la distribution de dividende qui sont présentés ci-dessous. Cependant, certaines politiques de dividende peuvent être nuisibles à une entreprise, point sur lequel l'analyste financier doit être vigilant.

a) - Interprétation des données sur les dividendes:

Les dividendes peuvent être de différents types. Les dividendes ordinaires sont des paiements en espèces qui doivent venir des revenus de l'année en cours ou précédente, (c.-à-d. pas du capital social ou capital d'apport, ce qui est interdit dans la plupart des pays), qui sont décidés par le conseil d'administration, qui sont payés (habituellement chaque trimestre) aux porteurs d'actions ordinaires, et qui viennent en réduction des bénéfices réinvestis. Les dividendes supplémentaires ou extraordinaires sont également des paiements en espèces qui s'ajoutent aux dividendes ordinaires les années où les revenus sont exceptionnellement élevés.Il y a aussi les dividendes d'actions privilégiées qui sont des paiements en espèces, mais seulement pour les porteurs d'actions privilégiées : ils sont le plus souvent fixes (bien que quelques uns " participent " aux revenus), et cumulatifs (c.-à-d. si le paiement fait défaut une année il s'accumule l'année suivante).

Les actionnaires ordinaires peuvent également de temps en temps recevoir les dividendes en actions qui consistent en la distribution d'une action nouvelle de l'entreprise pour un nombre donné d'actions en circulation. Si la proportion est de plus d'une action nouvelle pour quatre actions existantes, on appelle la distribution un fractionnement d'action plutôt qu'un dividende en actions. D'un point de vue comptable, un dividende en actions exige l'affectation d'une partie des bénéfices non distribués au capital (et parfois au capital d'apport), tandis qu'un fractionnement d'action ne change pas le capital, seulement la quantité et la valeur des actions en circulation. A la place d'un dividende en actions, les actionnaires peuvent recevoir des droits de souscription pour l'acquisition d'actions nouvelles à un prix réduit. Ces droits ont une valeur égale à la différence entre le prix du marché et le prix de souscription. Un droit fournit de l'argent liquide supplémentaire à l'actionnaire s'il le vend, ou la capacité de préserver une part de propriété dans l'entreprise. De temps en temps, il peut y avoir un dividende distribué en nature aux actionnaires c.-à-d., un bien corporel donné à chaque actionnaire, mais ceci existe seulement dans des entreprises ayant peu d'actionnaires. Enfin, il existe également des dividendes de liquidation, en cash ou en nature, qui sont distribués quand une entreprise est liquidée.

La politique de dividendes est principalement déterminée par la proportion de dividendes en liquide payés sur les revenus de l'année en cours. Cette proportion est appelée ratio de distribution. La partie qui va aux bénéfices réinvestis est appelée ratio de rétention.

b) - Ratio de distribution:

On se rappellera depuis les chapitres 2 et 3 que le maintien d'une image de stabilité est important pour une entreprise afin de maintenir une faible prime de risque perçu. Le modèle de dividende escompté de la valeur des actions fait explicitement des dividendes l'élément essentiel du cours des actions. L'instabilité dans les dividendes créerait l'instabilité dans le cours des actions, causant un plus haut BÊTA (c.-à-d. une prime de risque plus élevée), et résulterait, par conséquent, dans un cours des actions moins élevé. Cette stabilité essentielle des dividendes peut être accomplie en distribuant le même dividende ordinaire année après année. Les années particulièrement bonnes, des dividendes extraordinaires peuvent être payés. Ces dividendes sont alors classés extraordinaires pour informer les actionnaires que ces dividendes supplémentaires ne doivent pas être prévus chaque année à l'avenir. Cependant, la croissance des dividendes ordinaires devrait aller de pair avec celle des revenus. Ainsi, le conseil d'administration fixe le dividende à une certaine proportion de la moyenne des revenus sur une longue durée.

Les dividendes en actions et les actions gratuites, en théorie, n'apportent aucune richesse aux actionnaires : chaque actionnaire garde exactement la même fraction de valeur nette combinée qui ne change pas en raison de la distribution d'actions. Le seul effet est qu'il y a davantage d'actions, chacune ayant un peu moins de valeur. En pratique, cependant, il y a des avantages pour les actionnaires existants. D'abord, la raison pour une distribution d'actions gratuites est de faciliter la vente d'actions dont le prix est passé à plus de cent dollars, ce qui en soit rendrait les transactions plus difficiles pour les acheteurs et les vendeurs. Rappelez-vous que les lots d'actions sont en général de 100, et acheter 100 actions à $500, constitue une transaction de $50.000 ; c'est une grosse transaction qui limite l'attrait de cette action aux investisseurs ayant des portefeuilles bien diversifiés. Avec les transactions électroniques d'aujourd'hui, les lots complets de 100 n'ont pas la même importance que dans le passé. Mais des cours d'actions de plusieurs centaines de dollars sont encore considérés comme une entrave aux transactions. Des cours dans la gamme de $30 à $80 sont les plus courants.

En second lieu, un fractionnement d'actions gratuites transmet aux investisseurs le sentiment que l'entreprise s'est développée. Le prix du marché combiné des actions nouvelles est souvent plus élevé que les cotations pour des quantités d'actions correspondantes avant le fractionnement. Les dividendes en actions peuvent avoir le même message, mais pas toujours. Au lieu de cela, ils donnent à l'actionnaire l'occasion de vendre quelques actions et de tirer un revenu sans devoir perturber le portefeuille de placement de l'actionnaire. Occasionnellement, un dividende en actions remplace un dividende extraordinaire en espèces. Dans d'autres cas, cependant, un dividende en actions est distribué à la place de dividende ordinaire, ce qui n'est pas un bon signe car cela suggère que les revenus de l'année en cours ne soient pas suffisants pour distribuer un dividende ordinaire.

Dans les pays où le régime fiscal des plus-values est avantageux (ce qui était le cas aux Etats-Unis jusqu'en 1986), les dividendes en actions et les actions gratuites peuvent être plus attrayants pour les actionnaires que des dividendes en espèces. Les plus-values sont la différence positive entre le prix de vente et le prix d'achat lorsque l'action a été conservée habituellement pendant plus de 6 ou 12 mois selon des dispositions fiscales du pays. L'impôt est souvent la moitié du taux d'imposition sur le revenu ordinaire. Il en résulte donc un avantage considérable pour les actionnaires.

c) - Inapplicabilité de la politique de dividende:

De nombreuses études ont prouvé que la richesse des actionnaires n'est en aucun cas affectée
1 - qu'une entreprise paye une grande proportion de ses revenus, ou
2 - qu'une entreprise paye peu ou pas de dividendes, mais réalise un taux de croissance plus élevé en réinvestissant les revenus non distribués.
En fait, les entreprises qui doivent se développer rapidement devraient accéder aux marchés financiers pour émettre de nouvelles actions plus souvent si elles distribuaient des dividendes. L'émission d'actions peut être coûteuse, comme nous le verrons dans la prochaine section. Il n'est pas judicieux de distribuer des dividendes et d'émettre de nouvelles actions en même temps, à moins que les frais d'émission soient maîtrisables, comme dans les plans de réinvestissement de dividendes. Par exemple, AT&T propose une offre de réinvestissement de dividendes avec l'envoi de paiements de dividende en espèces. Cette stratégie satisfait à la fois les besoins des actionnaires individuels et de la société.

d) - Effet de clientèle:

La politique de dividende, tout en affectant la stratégie de financement de l'entreprise, est plus justifiée par l'attitude des investisseurs que par les besoins de la société. Les investisseurs qui comptent sur les dividendes en espèces pour vivre préféreront les actions qui ont une politique régulière de dividende et attendront du conseil d'administration qu'il continue sa politique de dividendes réguliers. Les entreprises qui tombent dans cette catégorie, sont celles qui ont atteint la phase de standardisation dans le cycle de vie de leur produits, comme par exemple, les services d'eau, gaz, électricité. Leur marché et leurs revenus sont réguliers. Le besoin de croissance est modéré.

À l'opposé il y a les investisseurs qui recherchent des plus-values d'actions de sociétés en croissance. Pour ce groupe d'investisseurs, les dividendes sont non seulement indésirables parce qu'ils réduisent la croissance de l''entreprise, mais ils peuvent également être gênants en raison des impôts qu'ils créent pour des destinataires. Les entreprises de cette catégorie viennent des secteurs de nouveaux produits de consommation ou de technologies de pointe. Au début des années 90 la biogénétique était un exemple d'un secteur à croissance potentielle élevée, ainsi que les sociétés d'Internet à la fin de la même décennie. Tout au long des années 80, Apple Computers n'a distribué aucun dividende.

Entre ces deux types d'investiseurs, il y en a un grand nombre d'autres qui veulent des actions avec un potentiel de croissance (de préférence par financement interne), mais également l'assurance de dividendes réguliers (qui signalent des revenus sains). La majorité des entreprises aux Etats-Unis et dans de nombreux autres pays appartiennent à cette catégorie. Le ratio moyen de distribution aux Etats-Unis a été autour de 50% au cours du dernier demi-siècle.

Tableau T-12.1

Timken Company BPA et dividendes
1999 1998 1997 1996 1995 1994 1993 1992 1991 1990 1989 1988 1987 1986 Moyenne
Dividendes 0,72 0,72 0,66

0,60
0,55 0,50 0,5 0,50 0,50 0,49 0,46 0,35 0,25 0,25 0,50
BPA 1,01 1,84 2,73 2,21 1,80 1,11 -0,29 0,07 -0,6 0,92 0,94 1,17 0,18 -1,67 0,82
Source: Timken CompanyRapport Annuels1995 à 1999

Graphique G-12.1

e) - Evaluation des politiques de dividende:

Ce taux de distribution de 50% est une moyenne, beaucoup d'entreprises distribuent plus. Si une entreprise est en expansion, une grosse distribution compromettra son potentiel de croissance, et le taux de distribution devrait être beaucoup moins que 50%. L'analyste devrait également se méfier des entreprises au comportement excessivement conservateur : si une entreprise a une croissance de ventes très modérée de produits normalisés, mais des profits suffisants et sûrs, ne pas distribuer de dividendes ne se comprend pas. La conclusion est que la politique de dividende appropriée pour une entreprise doit être en conformité, d'une part avec ses stratégies de marketing, et, de l'autre, avec les besoins et les espérances des actionnaires.

f) - Comparaison internationale:

Le taux de distribution de 50% aux Etats-Unis est plus élevé que dans la plupart des pays. En Europe, le taux de distribution est inférieur. Il y a pour cela des raisons légales et institutionnelles. Comme expliqué précédemment, beaucoup de pays exigent qu'une partie des revenus soit mise de côté, parfois 5%, 10% ou même plus, (ce sont les réserves légales et statutaires précédemment discutées). L'accès difficile aux marchés financiers ou des marchés financiers mal organisés sont des raisons supplémentaires pour que les entreprises en dehors des Etats-Unis paient moins de dividendes. Pour toutes ces raisons, le réinvestissement interne des revenus est répandu. Mais ceci pourrait changer à l'avenir dans la mesure où les marchés financiers émergeants deviennent plus actifs et efficaces.

En Russie, le réinvestissement interne des revenus semblerait justifié en raison des besoins de croissance de toutes les entreprises, de l'état précaire des nouvelles bourses de valeurs et des impôts élevés. Mais il semble qu'il y ait un effet de clientèle : des actionnaires qui se sentent peu sûrs et veulent un profit rapide sur leur investissement. Ainsi, quelques entreprises russes payent de gros dividendes, ou en font la promesse.

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