ANALYSE FINANCIERE  © John Petroff Traduction: Françoise BRUNELLE, lydiane claverie, Pierre-Alain Richardot Source: PEOI

 


Chapitre 11 A- Interprétation

A- Interprétation des chiffres des rubriques Dettes et Fonds propres du bilan

Jusqu'à présent, nous avons supposé que la structure des capitaux d'une entreprise pouvait se mesurer avec exactitude. C'est loin d'être vrai. Il est temps de comprendre quelle distorsions peuvent intervenir.

Les distorsions dans la colonne actifs (ou débit) du bilan dans la partie inventaire, actifs fixes et intangibles, que nous avons étudiées dans les chapitres précédents, doivent être compensées par des corrections dans la colonne crédit du bilan. S'il y a des chiffres réduits d'un côté, il doit y en avoir de l'autre. Et, de fait, il y en a. Mais la distortion n’est pas si évidente car il n’y aucune valeur marchande sur laquelle se baser comme c’est le cas pour le stock et les immobilisations. La plus grande partie de la sous-valorisation se trouve dans les fonds propres et une petite partie dans les dettes à long terme. Il faut ajouter aussi que, contrairement aux éléments tels que les équipements ou les usines qui ont une valeur de remplacement qui, bien que difficile à obtenir, est précise et stable, la valeur de l’ensemble des actions des entreprises change avec l’humeur des investisseurs sur les marchés. Finalement, il y a des éléments figurant en tant que crédits au bilan qui ne sont ni des actions ni des dettes : par exemple, les impôts différés ou le revenu courant. Observons maintenant chaque cas, dette ou action, et voyons quelle est la précision de l'information ou à quel point elle peut être ramenée à sa juste valeur.

Voir les questions de révision de Q-11A.1 à Q-11A.3.

1) - Dettes à court terme :

La plupart des dettes à court terme sont de vraies obligations de payer le montant exact inscrit. Ceci est valable pour les montants et les effets à payer, les impôts, les salaires et les primes, les frais à payer, les avoirs en suspens et la portion actuelle des dettes à long terme. Généralement cela a des chances de concerner aussi les dettes pour le régime des retraites des employés. Mais ce dernier cas est difficile à analyser en raison des différentes possibilités de comptabilité. Selon la loi américaine (SFAS 87), l'entreprise doit compter comme dette la portion des retraites accumulées qui n'a pas été financée (c'est à dire le montant des dettes dues aux retraites qui n'a pas encore été placé dans un fonds de pension). Ce qu'une entreprise reconnait comme dette en vue du paiement des retraites de ses employés pour l'année en cours dépend 1) de la vraie valeur marchande des actifs déjà dans le fonds de pension, 2) des pensions de retraites à payer (= ce à quoi auront droit les retraités) et 3) des retraites récemment octroyées. Ce problème sera repris dans le Chapitre 13 quand nous examinerons les revenus. En effet, l'ampleur de l'ajustement nécessaire après un changement de méthode dans la comptabilisation des retraites dans les grandes entreprises américaines peut réduire sérieusement les profits et a, de fait, provoqué des années de pertes spectaculaires, sans parler de révisions majeures du bilan.

Comme indiqué dans le Chapitre 8, les dettes à court terme ne doivent pas être considérées seulement comme des chiffres au bilan. Tout d'abord, les dettes doivent aussi être considérées sur la base d'arrangements contractuels qui peuvent éviter d'avoir à payer une somme donnée tout de suite, comme pour un crédit qui peut être refinancé. Ensuite, ce qui est plus important, des changements à venir dans les conditions économiques peuvent rapidement faire s'accumuler des impayés. Là, il faut se demander s'il peut émerger des créditeurs potentiels parmi les fournisseurs, clients, fournisseurs de services ou banques à qui l'entreprise a fait des promesses qu'elle est peut-être incapable d'honorer par elle-même (ex. garantie de réalisation, garantie des dettes d'une filiale, obligations avec option de vente). Par contre, l'entreprise peut compter sur un financement provenant de dettes à court terme : ainsi, si l'entreprise a pu dans le passé accumuler un gros passif non payé à ses fournisseurs, ce qui est évidemment dangereux, cela peut aussi représenter une force car cela donne à l'entreprise de la flexibilité.

Comme on vient de le voir, les autres dettes à court terme peuvent inclure un élément de revenu à venir qui n'est pas une vraie dette puisqu'il n'y a aucune intention de payer ce montant à quiconque. Par contre, ce montant a été perçu mais ne sera comptabilisé comme tel dans les états financiers que l'année fiscale suivante. Les avances des clients pour des achats entrent dans cette catégorie (ex. abonnements à des magazines). On a déjà dit dans le calcul du capital actif et du ratio courant qu'il fallait tenir compte de ces éléments. Dans l'analyse de la structure des capitaux, on n'en tient pratiquement jamais compte, car ces sommes sont presque toujours trop petites. Parfois, pourtant, les autres dettes à court terme peuvent servir d'attrape-tout pour des éléments un peu limite comme des impôts différés.

Voir les questions de révision de Q-11A1.1 à Q-11A1.4.

2) - Impôt sur le revenu différé :

L'impôt sur le revenu différé provient d'économies d'impôt obtenues, par exemple, par l'emploi d'une dépréciation accélérée dans la déclaration de revenu : l’impôt réellement payé est moindre que celui indiqué dans les documents financiers où une dépréciation régulière est généralement utilisée. Ce n'est pas une vraie dette dans la mesure où l'entreprise n'a pas à payer cette somme au gouvernement, ni maintenant, ni plus tard, tant que l'entreprise continue à employer une dépréciation accélérée pour une quantité croissante d'actifs fixes, par exemple. Les notes annexées aux documents financiers doivent faire apparaitre ces différences temporaires et permanentes entre l'impôt indiqué sur la déclaration de revenu et l'impôt réellement payé. Les différences temporaires peuvent apparaitre comme dettes à court terme (et dans quelques cas rares comme actifs à court terme), alors que les différences permanentes apparaissent comme autres dettes à long terme. Une réconciliation totale du montant de l'impôt sur le revenu différé n'est pas toujours possible, comme on le verra dans le Chapitre 13.

Voir les questions de révision de Q-11A2.1 à Q-11A2.3.

3) - Dettes à long terme :

La portion à recouvrer des prêts et obligations à terme ne présente généralement pas de problème. Les crédit-baux et baux financiers sont généralement présentés avec les dettes à long terme (ou devraient l'être par l'analyste financier si ce n'est pas le cas), parce qu'en un sens ils sont une seule et même chose (comme on le verra dans le Chapitre 12). Les contrats de location-exploitation ne sont pas présentés au bilan, sauf pour la somme due pour l'année en cours. Lorsqu'on compare des entreprises de différents pays, il faut veiller à déterminer si les crédits-baux ne sont pas camouflés en contrats de location-exploitation, dans ce cas, il faut les intégrer aux dettes à long terme. L'analyste doit aussi se souvenir que certaines obligations convertibles peuvent être converties en fonds propres, surtout s'il y a une clause de remboursement par anticipation (voir chapitre suivant).

Même si les obligations à payer le principal, les mensualités et autres montants sont indéniablement celles qui figurent au bilan et correspondent bien à ce qui sera effectivement payé aux créditeurs (sauf dans les cas de remboursement anticipé ou de rachat, plus certains cas possibles de prime d'achat ou moins certains gains si l'obligation est achetée sur le marché), il peut y avoir une certaine distorsion de la véritable valeur de ces obligations. Si l'inflation n'est pas négligeable, les dettes contractées il y a des années sont sous-évaluées par rapport à ce qu'il faudrait à l'entreprise pour financer des projets comme ceux pour lesquelles cette dette a été utilisée au départ. Autrement dit, les dettes anciennes sont exprimées dans la même monnaie dévaluée que les anciennes immobilisations. Remplacer les deux sera beaucoup plus coûteux. Ceci atténue naturellement un peu les distorsions possibles dans les immobillisations s'il y a une grande ressemblance entre la dette et les immobilisations qu'elle a financées. Mais le plus souvent il y a discordance. De plus, cela peut nuire aux comparaisons avec d'autres entreprises qui n'ont évidemment pas la même histoire concernant leurs emprunts.

Voir les questions de révision de Q-11A3.1 à Q-11A3.5.

4) - Provisions et réserves :

Les provisions et réserves sont justifiées par différents motifs, mais apparaissent toujours d'une façon également ambiguë, quelque part entre les dettes à long terme et les fonds propres. Les provisions sont une partie du bénéfice mise de côté parce qu'une obligation potentielle peut se présenter à l'avenir à cause d'événements du passé : par exemple comme garantie d'une marchandise vendue, à cause d'un procès à venir ou d'une autre obligation liée à des décisions passées.Les réserves sont aussi une partie du bénéfice mise de côté, mais dans un but spécifique prévu pour l'avenir, comme l'agrandissement d'une usine. Souvent, mais pas toujours, les réserves sont classées comme faisant partie des fonds propres, alors que les provisions sont classées avec les dettes à long terme.

Voir les questions de révision Q-11A4.1 et Q-11A4.2.

5) - Autres dettes à long terme :

On peut parfois trouver des provisons ou des impôts sur le revenu différés classés en "autres dettes à long terme". On peut aussi trouver dans cette rubrique les prestations de retraite pour les entreprises qui utilisent la méthode des prestations définies pour comptabiliser les retraites de leurs employés. Les montants de ces prestations de retraite peuvent être élevés. La véritable somme due pour les pensions de retraite peut être très différente de celle inscrite dans les comptes selon la date où les employés décideront de prendre leur retraite et selon leur durée de vie à la retraite. Certaines entreprises présentent des intérêts minoritaires dans les "autres dettes à long terme". Les compagnies aériennes et autres entreprises de transport qui utilisent la vente et cession-bail présentent des gains différés sur les ventes et cession-bail de ce classement. Aucun de ces éléments ne constitue un apport de fonds sur lequel une entreprise pourrait s'appuyer pour une expansion ou un autre projet..

Voir la question de révision Q-11A5.1.

6) - Fonds propres :

Les capitaux et surplus de capitaux ont des chances d'être grossièrement sous-estimés par raport à la valeur boursière capitalisée, même si l'entreprise n'est bénéficiaire que depuis quelques années. Si des actions de trésorerie apparaissent au bilan, c'est en déduction du capital car elles représentent des actions de l'entreprise rachetées pour une raison donnée, comme par exemple pour une distribution de bonus boursiers ou pour un partage de bénéfices. Les bénéfices non distribués, qui sont les gains des années passées qui n'ont pas été distribués en dividendes pour les actionnaires ont des chances d'être déformés par l'inflation au moment où les bénéfices des années antérieures sont ajoutés aux bénéfices de l'année en cours. La partie "fonds propres" du bilan peut aussi comporter des comptes d'ajustement et certains comptes de réserve, surtout s'il ne s'agit pas d'une entreprise américaine. Les entreprises européennes et sud-américaines doivent mettre de côté une certaine proportion de leurs bénéfices comme réserve légale (ainsi que d'autres réserves). Dans les bilans américains, on trouve des ajustements pour les dettes dues aux pensions de retraite, les gains sur investissements non réalisés et le change en monnaie étrangère, le tout regroupé sous le titre "autres revenus globaux (ou pertes)", mais ce ne sont pas du tout des revenus (ni des pertes) car ces montants fictifs peuvent disparaitre ou réapparaitre quand les prix des valeurs ou les taux de change varient avec les années (comme on le verra dans le Chapitre 12).

Même si on sait que ces distorsions existent dans les chiffres du bilan, les analystes externes n'y font jamais de corrections car cela exigerait des connaissances que même la direction de l'entreprise n'est pas censée avoir. Ceci est vrai des distorsions sur les fonds propres dues à l'effet de l'inflation, comme des incertitudes possibles sur le refinancement de certaines dettes. Dans les pays où l'inflation est élevée depuis un certain temps, la partie "fonds propres" du bilan doit inclure une provision pour la réévaluation des actifs.

7) - Hors bilan :

Un analyste doit aussi être au courant des dettes hors bilan. Les plus courantes sont les garanties accordées dans divers contrats conclus par l'entreprise ou ses filiales. Elles peuvent finir par représenter des obligations de taille. Comme on le verra dans le prochain chapitre, les contrats de location-exploitaion peuvent être essentiels à la marche de l'entreprise et pourtant ne pas figurer au bilan. Des dettes peuvent aussi résulter de procès en rapport avec les produit ou leur impact sur l'environnement.

Il y a aussi des actifs que l'entreprise peut détenir au nom de qulequ'un d'autre et qui peuvent causer des dettes s'ils ne sont pas rendus ou s'ils ne sont pas utilisés comme prévu. Et finalement il y a des contrats d'assurance qui réduisent le besoin d'accumuler des fonds propres pour assurer l'avenir. Aucun de ces éléments n'est jamais ajouté à l'actif ou au passif du bilan par une personne extérieure. Il faut s'en remettre ici à l'opinion des auditeurs. Il est probable que, si une entreprise a omis d'inclure une somme au bilan mais que cela se justifie par les règles comptables, l'auditeur l'aura demandé ou aura fait un commentaire dans son opinion.

Voir les questions de révision de Q-11A6.1 à Q-11A6.8.

Voir les travaux de recherche de R-11A.1 à R-11A.3.

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