PRECIS DE MACRO-ECONOMIE   © 1986, 1990 & 2002 John Petroff.  Traduction 2003 Sandrine Cortet.

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Chapitre 8:

THÉORIE DE L'EMPLOI DE KEYNES

INTRODUCTION
Le but de ce chapitre est d'analyser comment la dépense globale et la production globale d'un pays peuvent être représentées, d'exposer pourquoi il existe un équilibre en dessous du niveau de plein emploi, d'identifier le processus du multiplicateur, et de poser les règles des politiques gouvernementales de régulation économique.

THÉORIE DE L'EMPLOI DE KEYNES
Le but de la théorie de l'emploi de Keynes est de proposer une solution aux périodes de chômage excessif (c.-à-d. lors de récession). Cette solution est liée l'idée que l'emploi dépend de ce que les entreprises doivent produire tandis que le niveau de production dépend de ce que les ménages et les entreprises projettent d'acheter. C'est ce que Keynes appelle la dépense globale.

Pendant la dépression des années 30, les gens avaient peur de dépenser. Les entreprises étaient peu disposées à employer des travailleurs parce qu'elles ne pouvaient

pas prévoir un retour des ventes. C'était particulièrement

le cas dans les secteurs principaux de l'économie américaine comme les achats de voitures par exemple.

DÉPENSE GLOBALE
La dépense globale (selon Keynes) est la clé de l'activité économique. Autrement dit, ce que les ménages, les entreprises et l'Etat souhaitent acheter est ce qui détermine ce que les entreprises vont produire par la suite. Dans une première phase de l'analyse, Keynes utilise un modèle simplifi qui exclut l'État, ce qui suppose qu'il n'y a aucun secteur étranger, et que le niveau du revenu réel (ignorant les prix) est la principale cause déterminante de la dépense globale.

Quand une famille souhaite acheter une voiture ou de nouveaux appareils ménagers, les décisions sont prises après réflexion en prenant en considération la situation de la famille à long terme. De tels achats forment les principaux composants de la dépense globale.

COMPOSANTS GLOBAUX DE LA DÉPENSE
La dépense globale (AE) est la somme de ce que les ménages projettent d'acheter (ou consommation C), et de ce que les entreprises projettent de consommer sous forme de capital (ou investissement I):
AE = C + I
Plus tard, le modèle inclura également les achats de l'État (G).

Il faut inclure tous les achats quand on mesure la dépense globale : qu'ils viennent de l'étranger ou de consommateurs nationaux qu'ils soient publics ou privés. Ce que les consommateurs étrangers acheteront aux constructeurs d'ordinateurs américains l'année prochaine, par exemple, peut être un élément important. Cependant, les achats étrangers sont affectés par des éléments autres que les conditions économiques purement intérieures. C'est la raison de leur exclusion initiale.

CONSOMMATION
La consommation est ce que les individus (ou les ménages) veulent (ou projètent) acheter. Leur capacit à consommer dépend entièrement de leur revenu. La partie du revenu non consommée est mise de côté pour une consommation future : c'est l'épargne.

Ce n'est pas la consommation physique qui nous intéresse, comme l'utilisation d'une voiture par exemple, mais le moment de l'achat dans le temps. Si les membres d'une famille doivent conduire pour se rendre au travail, ils ont besoin d'une voiture, qu'elle soit nouvelle ou très vieille. L'achat de la voiture peut être remis à plus tard. Ce qui incite une famille acheter une voiture à un moment précis est d'un grand intérêt pour les économistes : c'est ce qui va constituer la consommation de l'année en cours.

CAUSES DÉTERMINANTES DE LA CONSOMMATION
La principale cause qui détermine la consommation est la volonté ou la propension à utiliser le revenu réel pour acheter des marchandises et des services. Ainsi la consommation et le revenu sont directement liés. On peut recenser d'autres causes déterminantes de la consommation comme le niveau des prix, la richesse, l'inventaire des biens durables, le niveau d'endettement et les espérances au sujet des conditions à venir.

La façon dont un ménage perçoit son revenu est ce qui lui donne confiance ou non dans le règlement de ses dettes en temps et en heure, et ce qui lui permet de choisir d'utiliser son épargne ou non pour acheter une voiture par exemple. S'il n'a pas beaucoup confiance en ses revenus actuels et à venir, il se peut qu'il reporte l'achat d'une nouvelle voiture et continue à utiliser l'ancienne.

STABILITÉ DE LA CONSOMMATION
La consommation tend à demeurer parfaitement stable. La consommation globale augmente continuellement avec le temps, mais, la proportion du revenu consacrée à la consommation reste à peu près identique.

Les statistiques indiquent que la consommation, c.-à-d. les achats des ménages, forment le composant le plus stable de la dépense globale.

PROPENSION MOYENNE À CONSOMMER
La volonté d'utiliser une proportion de revenus (Y) pour la consommation (C) est appelée propension moyenne consommer (APC):

APC = C / Y

A mesure que les revenus augmentent, la propension moyenne

à consommer diminue. En effet, on peut observer ce phénomène

chez les individus aisés qui consacrent une plus petite part de leur revenu à la consommation que ne le font les plus pauvres (ces dernièrs peuvent, en fait, être obligés de recevoir de l'argent d'autrui).

Si les revenus d'une famille sont de 50.000 euros et qu'elle dépense 45.000 euros par an, sa propension moyenne à consommer est APC = 45.000/50.000 = 9 ou 90%.

PROPENSION MARGINALE À CONSOMMER
La propension marginale à consommer (MPC) est la proportion de consommation supplémentaire (dC) qui s'ajoutera lors d'une augmentation de revenus (dY):


MPC = dC / dY
La propension marginale à consommer est la pente de la ligne de consommation. La propension marginale à consommer est constante ce qui confirme la stabilité de la consommation dans notre société.

Si les revenus d'une famille augmentent de 1.000 Euros, et que la famille décide d'acheter une télévision supplémentaire au prix de 600 Euros avec ses nouveaux revenus, sa propension marginale à consommer est MPC = 600/1000 = 0,6 ou 60%.

ÉPARGNE
L'épargne est ce qui reste des revenus après la consommation. L'épargne est principalement déterminée par le niveau du revenu réel. Plus le niveau des revenus d'un individu est élevé, plus ce dernier est enclin à épargner.

L'épargne est ce qui permet la consommation future. Aujourd'hui, une grande part de l'épargne est institutionnelle. Par exemple, les cotisations de sécurité sociale et les plans retraite sont des formes d'épargne.

PROPENSION MOYENNE À EPARGNER
La volonté des individus d'épargner (S) une proportion de leurs revenus (Y) s'appelle la propension moyenne épargner:

APS = S / Y.

Si une famille gagne 50.000 Euros et épargne 5.000 Euros tous les ans, sa propension moyenne à épargner est APS = 5.000/50.000 = 0,1 ou 10%.

TENDANCE MARGINALE À EPARGNER
La propension marginale à épargner (MPS) est la proportion d'épargne supplémentaire (dS) d'un revenu qui a augmenté.

(dY):

MPS = dS / dY

La propension marginale à épargner est la pente de la ligne de l'épargne. Puisque des revenus peuvent seulement être consommés ou épargnés, la somme des propensions marginales à consommer et à épargner est égal à un:

MPC + MPS = 1.

Si une famille bénéficie d'une hausse de revenus de 1.000 Euros, et décide d'épargner 400 Euros sur cette augmentation, sa propension marginale à épargner est

MPS = 400/1.000 = 0,4 ou 40%.

CAUSES DÉTERMINANTES DE L'INVESTISSEMENT
L'investissement est déterminé par le taux de rendement des divers projets possibles et par le coût de l'emprunt (ou taux d'intérêt). La variation du taux de rendement nous indique le niveau de la demande en investissement (aussi appelé efficacité marginale de l'investissement). Il évolue à l'inverse du taux d'intérêt. Le coût de l'emprunt (ou le taux d'intérêt) est détermin par le marché monétaire. Il résulte essentiellement de la politique monétaire.

La plupart des compagnies déterminent leurs plans courants d'investissement à l'aide de la planification long terme et de budgets d'investissement. Les prévisions de ventes futures sont les facteurs déterminants principaux dans ces calculs.

INSTABILITÉ DE L'INVESTISSEMENT
En plus du taux de rendement, la demande en investissement est déterminée par la naissance de nouvelles technologies, l'entretien de l'équipement et l'inventaire du capital existant, mais aussi par l'anticipation des futures ventes. Certains de ces éléments sont extrêmement instables, tels que les inventions et innovations nouvelles ou le changement

des espérances de ventes futures. Ainsi, il n'est pas entièrement

utile de modeler l'investissement par d'autres éléments que la demande en investissement et le taux d'intérêt.

Historiquement, l'investissement est le composant de la dépense globale et du produit national brut le plus erratique. Dans les périodes de ralentissement économique, il est souvent négatif. Il remonte souvent dès que les espérances de ventes futures semblent plus prometteuses.

PRODUCTION GLOBALE
La production globale réelle (ou produit national net PNN) est la ligne de 45 degrés dans le modèle de Keynes parce que les revenus totaux sont égaux à la production puisque les impôts et les paiements de transferts sont omis, et la production totale peut être indiquée verticalement par la ligne de 45 degrés.

Graphique G-MAC8.1

La production globale est très étroitement liée au revenu national; en fait, s'il n'y avait pas d'Etat, ils seraient presque identiques.

ÉQUILIBRE DE KEYNES
L'équilibre se produit au point E là où la dépense globale (AE = C + I) est égale la production globale réelle (PNN):

AE = PNN.

Si les firmes produisent d'avantage elles seront obligées de réduire la production en raison des stocks excessifs. Si elles produisent moins, elles devront augmenter la production parce que leurs stocks seront épuisés. L'équilibre peut très bien se trouver en dessous du niveau de plein emploi de la production.

Représentez graphiquement G-MAC8.2

Les entreprises ajustent leur production aux ventes en constatant l'état de leurs stocks. En cas de stocks insuffisants, la production sera augmentée. En cas de stocks excédentaires, la production sera réduite.

FUITE
L'épargne peut être vue comme une fuite de fonds hors du modèle des courants circulaires (Les impôts sont aussi une forme de fuite, ainsi que les importations).

Si l'économie est représentée comme un courant circulaire de fonds, semblable à un moteur avec les fonds comme carburant, une perte de fonds dans l'économie ralentirait l'économie juste comme une perte de carburant ralentirait le moteur.

INJECTION
L'investissement peut être considéré comme une forme d'injection de fonds dans le modèle des courants circulaires. (Les exportations sont alors une injection aussi).

Dans la comparaison du modèle des courants circulaires

de fonds et du moteur, une nouvelle entrée de fonds accélère

l'économie juste comme une injection supplémentaire de carburant dans le moteur.

ÉQUILIBRE DE FUITE-INJECTION
L'équilibre dans le graphique de fuite-injection est le point E au moment où l'épargne est égale à l'investissement:

I = S.

En cas de production excessive des entreprises une épargne fortuite apparaît sous forme d'accumulation de stocks. En cas de production moindre, une désépargne se produit sous forme d'épuisement de stocks.

Graphique G-MAC8.3

Beaucoup d'automobiles modernes sont équipées d'un dispositif de recyclage des vapeurs d'essence : ce qui est perdu à l'évaporation de l'essence dans le réservoir et le carburateur est renvoyé dans le moteur avec ce dispositif de sorte que le moteur ne perd pas de puissance. On peut comparer ce dispositif au modèle des courants circulaires de fonds.

EFFET MULTIPLICATEUR
L'effet multiplicateur vient du fait qu'un changement dans la dépense globale prévue par les ménages ou les entreprises exige de changer la production en mettant de nouveaux employés au travail. En conséquence, les nouveaux revenus vont causer un deuxième circuit d'augmentation de la demande globale. Les circuits successifs s'ajouteront de sorte qu'un petit changement de la demande globale (dAE) cause un changement multiple (M) dans la production nette réelle (dNNP)

M = dNNP / dAE.

Pensez au nombre de mains qui ont touché l'argent qui est dans votre poche! Le paiement pour un achat supplémentaire l'emmènera ailleurs encore, et créera des revenus pour plusieurs personnes successives. C'est l'effet multiplicateur.

VALEUR DU MULTIPLICATEUR
La valeur du multiplicateur est égale à l'inverse de la propension marginale à épargner ou

M = 1/MPS = 1/(1-MPC)

 

Si la propension marginale à épargner est égale à 0,4, le multiplicateur est

M = 1/MPS = 1/0,4 = 2,5.

MULTIPLICATEUR COMPLEXE
Des estimations empiriques indiquent que la valeur du multiplicateur complexe (qui comprend l'effet des impôts et du commerce extérieur) est environ égale à 2.

Toutes les formes d'utilisation de fonds autre que la dépense réduisent le multiplicateur. Les impôts et l'importation sont deux de ces détournements.

PARADOXE DE L'ÉPARGNE
Si une société tente d'épargner plus, sa dépense globale diminuera, entraînant l'équilibre et la production réelle à diminuer également.

Lorsque la production et les revenus sont réduits, la société n'est pas en mesure d'épargner plus, tout juste une quantité équivalente (voire moindre).

La grande dépression est un exemple éclatant et regrettable du paradoxe de l'épargne. Les gens ont essay de mettre plus d'argent de côté parce qu'ils avaient peur. Mais, leur hésitation même à dépenser a causé une diminution de tous les revenus.

ECART RECESSIONISTE
Le volume de dépense globale qui fait défaut pour produire une dépense globale correspondante au niveau de plein emploi s'appelle écart récessioniste. C'est aussi la quantité pour laquelle la dépense globale devrait être augmentée pour atteindre le plein emploi.

L'administration américaine calcule le PNB potentiel ou revenu de plein-emploi, chiffres qu'on retrouve dans le rapport économique du président américain.

ÉCART INFLATIONNISTE
Le volume de dépense globale réelle qui excède la dépense globale correspondant au niveau de plein emploi s'appelle écart inflationniste parce qu'une telle demande excessive peut seulement causer l'inflation puisque les entreprises produisent déjà à pleine capacité.

Test de révision

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